Archives Mensuelles: Mai 2015

STANDING OVATION PENDANT DE LONGUES MINUTES POUR BORIS PAHOR après la projection de mon documentaire « Boris Pahor, portrait d’un homme libre », 98’, AU FESTIVAL ETONNANTS VOYAGEURS DE SAINT-MALO LE DIMANCHE 24 mai À 14H À LA GRANDE PASSERELLE

Affiche Boris Pahor sans

Saint-Malo veille sur ses Etonnants Ecrivains Voyageurs de mai 2015. En sortant du restaurant avec Boris Pahor.

Saint-Malo veille sur ses Etonnants Ecrivains Voyageurs de mai 2015.
En sortant du restaurant avec Boris Pahor.

Un étonnant voyageur arrive ce samedi 23 mai 2015 par le train du livre. C'est Boris Pahor, le doyen du festival.

Un étonnant voyageur arrive ce samedi 23 mai 2015 par le train du livre. C’est Boris Pahor, le doyen du festival.

Salle comble pour cette projection à la Grande passerelle, un lieu qui vient d’être inauguré à St Malo d’une remarquable qualité technique. Une cinquantaine de personnes ont dû néanmoins rebrousser chemin par manque de place. La plus grande salle avait été donnée à Michel Serres en face à la même heure. A la fin de la projection, quand nous entrons dans la salle, Boris Pahor et moi, le public se lève et applaudit à tout rompre pendant de longues minutes.Je regarde les gens un par un et je vois qu’ils ont des larmes dans les yeux. Puis je dis quelques mots avant de laisser la parole à Boris Pahor. Chaque fois le miracle se reproduit. Les gens n’en reviennent pas de voir entrer en chair et en os le héros de mon film dont la facture s’apparente quelque peu à de la fiction. Boris Pahor, 102 ans leur parle en flots continus de l’esprit de résistance qui a régi toute sa vie. Je lui tiens le micro. Yann Nicol, médiateur du débat ne peut pas « en placer une » non plus. Tous ces moments sont à vivre au présent comme s’ils étaient les derniers. Alors nous écoutons Boris bien sagement comme des enfants.

Une petite photo envoyée par Michel et Michèle venus de la Ville Jaunet à côté de Saint-Brieuc. Après la projection du film, la rencontre avec Boris Pahor, Fabienne Issartel et Yann Nicol

Une petite photo envoyée par Michel et Michèle venus de la Ville Jaunet à côté de Saint-Brieuc. Après la projection du film, la rencontre avec Boris Pahor, Fabienne Issartel et Yann Nicol

« La grande passerelle » à St Malo, lieu de notre projection « Etonnants Voyageurs »

Boris Pahor au 25 ème festival Etonnants Voyageurs. Mai 2015.

Boris Pahor au 25 ème festival Etonnants Voyageurs. Mai 2015.

Pour lire le carnet de bord du festival par l’express : http://www.lexpress.fr/culture/livre/25-ans-d-etonnants-voyageurs-a-saint-malo_1683257.html Extrait du journal de bord : « 9h30: ça gronde au wagon-restaurant. La file d’attente s’allonge, le préposé aligne les cafés sans discontinuer, à croire qu’il n’y a que des Balzac dans le train. En attendant les effets du divin breuvage, l’heure est plutôt au recueillement – pensées profondes les yeux fermés, lectures assoupies, etc. Seul, ou presque, un petit homme semble avoir tous ses esprits et n’hésite pas à donner de la voix. Petit homme, mais grand écrivain, le doyen du TGV, Boris Pahor, affiche 101 ans et demi et une santé de fer. L’auteur slovène du Pèlerin parmi les ombres, récit de sa déportation dans un camp nazi en France, fera l’admiration de tous, trois jours durant. »

Boris Pahor et le grand écrivain d'Afrique du sud Breyten Bretenbach après leur rencontre du lundi 25 mai

Boris Pahor et le grand écrivain d’Afrique du sud Breyten Bretenbach après leur rencontre du lundi 25 mai

« cela commence dès le train qui emmène les participants, le samedi, premier jour du festival. Le Slovène Drago Jancar écrit comment, en 2003, un jour de grève, il a attendu sur le quai en compagnie du Triestin Boris Pahor, et s’est demandé si celui-ci se souvenait de la gare parisienne où il était arrivé, au printemps 1945, en provenance du camp où il avait été déporté. » Extrait de l’article de Libération  : http://www.liberation.fr/livres/2015/05/22/etonnants-voyageurs-l-odyssee-du-livre_1314789

Dans le livre

Dans le livre « 25 ans d’Etonnants Voyageurs », le texte de l’écrivain slovène Drago Jancar, qui raconte un voyage en train vers St Malo qu’il a fait avec Boris Pahor.

Dans notre train du livre de retour vers Paris, l’atmosphère était plutôt joyeuse. Les deux écrivains triestins devisaient avec entrain dans leur dialecte. Je faisais aussi l’extraordinaire rencontre de l’écrivain haïtien Frankétienne. Et Breyten Bretenbach était là lui aussi, par hasard… Moment de grâce…

Boris Pahor et son ami l'écrivain triestin Paolo Rumiz dans le train du livre au retour du festival lundi 25 mai 2015

Boris Pahor et son ami l’écrivain triestin Paolo Rumiz dans le train du livre au retour du festival lundi 25 mai 2015

Dans le train de retour du 25ème festival des Etonnants Voyageurs. En face de Boris Pahor (et moi) l'écrivain haïtien Frankétienne, Paolo Rumiz et aussi Breyten Bretenbach.

Dans le train de retour du 25ème festival des Etonnants Voyageurs. En face de Boris Pahor (et moi) l’écrivain haïtien Frankétienne, Paolo Rumiz et aussi Breyten Bretenbach.

Et le lendemain après une courte nuit près de la gare Montparnasse, nous repartons vers Tours où une nouvelle rencontre a été organisée par une association franco slovène et le comité de jumelage de Montbazon. Nouvelles conférences de Boris Pahor infatigable et projection du film…

A l’heure où se déroulait la panthéonisation officielle à Paris, Boris Pahor remettait un premier prix du concours de la résistance à une belle jeune fille à la préfecture de Tours. Un symbole fort qui montre que l’esprit de résistance de Boris Pahor perdure, tourné vers l’avenir. « N’oubliez jamais que le Mal peut revenir. Lisez des livres que vous choisissez vous-mêmes pour vous faire une idée personnelle de l’histoire et écrire votre avenir ».

L’esprit de résistance est avant tout évidemment une décision individuelle. La culture a un grand rôle à jouer dans cette liberté d’engagement citoyen. Dans ce domaine, Boris Pahor nous montre encore aujourd’hui cette voie.

Boris Pahor remet un premier prix du concours de la résistance à la préfecture de Tours le mercredi 27 mai 2015.

Boris Pahor remet un premier prix du concours de la résistance à la préfecture de Tours le mercredi 27 mai 2015.

Puis nous reprenons le train, encore et encore. Boris est un peu fatigué mais heureux.

Boris Pahor et Liza Japelj dans le train de retour Tours Paris le mercredi 27 mai 2015. Une leçon de vie en direct devant mes yeux !

Boris Pahor et Liza Japelj dans le train de retour Tours Paris le mercredi 27 mai 2015. Une leçon de vie en direct devant mes yeux !

LE DOCUMENTAIRE

« Le documentaire « Boris Pahor, portrait d’un homme libre » donne la parole au grand écrivain slovène de Trieste, Boris Pahor, 101 ans, rescapé des camps.

Boris pahor au camp du Struthof en 2009 lors de mon tournage. Photo Sylvie GoubinI

Boris pahor au camp du Struthof en 2009 lors de mon tournage. Photo Sylvie GoubinI

Cet européen humaniste qui a traversé le siècle nous livre sa vision d’un monde où, pour gagner sa liberté, il a dû sans arrêt lutter contre les totalitarismes qui ont croisé sa vie. Tout commence à Trieste en 1920 quand il voit enfant les « Chemises Noires » de Mussolini mettre le feu à la Maison de la Culture Slovène tout près de chez lui. Puis on lui interdit de parler sa langue slovène. Le petit Boris doit devenir italien de force. Ce traumatisme sera le moteur de sa vie. Toute fumée ensuite, et jusqu’aux rougeoiements le soir dans le ciel de Trieste, lui rappelleront sans cesse que l’incendie lui a volé son âme. C’est avec la culture justement et sa machine à écrire qu’il participe auprès des siens – les slovène – à la résistance contre le fascisme, le nazisme, puis plus tard, le communisme de Tito. Il sera conduit pour cela, après 43, dans les camps nazis. Interné notamment en France au camp du Struthof, il ne devra sa survie qu’à sa capacité à parler de nombreuses langues étrangères et notamment l’allemand. Son récit des camps, « Pèlerin parmi les ombres », publié d’abord en France en 90, est souvent comparé à celui de Primo Levi « Si c’est un homme ». De retour à Trieste, après la guerre, il dirige une revue littéraire engagée – « Zaliv » (« Le Golf ») – qui est acheminé clandestinement vers la Yougoslavie, redonnant du souffle à ceux auxquels on a muselé la parole derrière le rideau de fer. Il paye cher sa liberté. Toujours boycotté d’un côté en tant que slovène par les intellectuels de la communauté italienne de Trieste, il est aussi interdit de séjour de l’autre, par la Slovénie de Tito. Il passe ainsi une grande partie de son existence dans l’anonymat. Professeur de littérature italienne pour gagner sa vie, il poursuit inlassablement son travail d’écrivain dans la cave de sa maison qu’il appelle son « bunker » ou au sein de la nature sauvage du plateau du karst. « Reconquérir dans ma langue mon pays, c’est la première liberté que je me suis donnée ! », dit Boris Pahor. En 2008, après voir lu avec infiniment de plaisir ses ouvrages traduits en français, je décide d’aller lui rendre visite chez lui à Trieste. L’homme m’intrigue ! Le rendez-vous est fixé. Je prends le train… Ce jour-là, quand j’arrive, il me tend joyeusement « La Républica », et « Le Picolo », deux importants quotidiens italiens qui consacrent des pleines pages à l’histoire de Boris Pahor. Je comprends rapidement que cet événement qui coïncide bizarrement avec notre rencontre est exceptionnel. Car Boris Pahor a vécu jusqu’à ce jour sans connaître la célébrité à laquelle il pouvait légitimement prétendre. Avec la réédition de son livre sur les camps – « Necropoli », préfacé par le célèbre écrivain Claudio Magris, l’Italie découvre tout à coup l’existence de ce nouvel héros de 95 ans. Boris Pahor devient alors en quelques mois la coqueluche de tout le pays qui s’émeut de son destin. L’engouement médiatique autour de lui ne cessera plus ensuite. Pas un jour sans que Boris Pahor ne se produise ici ou là, pour raconter inlassablement son histoire, celle de son peuple slovène, et exposer ses points de vues tranchés. Reçu en « prime-time » sur les chaînes de télévision, recevant des récompenses de toutes sortes, il sera même pressenti plusieurs fois pour le Nobel. Moi aussi j’ai été fascinée par l’énergie de Boris Pahor, par ce petit homme porté par la force de ses engagements et qui semblait faire fi du poids des âges. Le filmer serait la bonne façon de rendre compte de sa dimension évidente de personnage. Il fallait faire ce film. C’était une évidence. Son courage, et aussi le mien en donnerait sans doute à d’autres ! Alors, Boris Pahor m’a raconté son histoire, par bribes, dans un excellent français, et le récit de sa vie s’est naturellement superposé au journal de nos rencontres entre 2008 et 2013, de la France à l’Italie, et de la Slovénie à la Belgique. Que ce soit avec Stéphane Hessel à Paris, au camp du Struthof dans les Vosges, chez lui à Trieste, ou encore à Bruxelles, pour une remise d’une médaille du Citoyen Européen, Boris Pahor ne vrille pas dans sa tétermination, toujours préoccupé de vérité et de justice. Il s’applique à transmettre son message de mémoire, mais aussi d’amour pour l’humanité. Car il aime à dire que l’amour l’a sauvé de tout. Son amour pour les femmes, pour « la femme », transparaît partout dans son oeuvre dans des pages très sensuelles. Son amour pour la vie se lit en direct, dans ses yeux irradiant d’une lumière étrange, quand il aborde à la fin du film, dans la brume au sommet du Nanos, l’idée de sa propre disparition. « Vivre en homme libre rendrait-il immortel ? » La réalisatrice Fabienne Issartel

Fabienne Issartel. Autoportrait à l'hôtel Océania de St Malo, après une belle soirée au festival Etonnants Boyageurs 2015

Fabienne Issartel. Autoportrait à l’hôtel Océania de St Malo, après une belle soirée au festival Etonnants Boyageurs 2015

UN PORTRAIT EN FORME DE PAYSAGE !

la jetée de Trieste

la jetée de Trieste

« L’expérience des camps pour Boris Pahor, forcément fondamentale, occupe dans le temps une seule année de sa longue vie, mais un an où il aura su rester vivant. Sans doute avait-il en lui cette propension rare, hors-norme à l’espérance. Le film raconte justement comment cette résistance intérieure lui a non seulement permis de survivre dans l’environnement hostile des camps, mais aussi de savoir conquérir sans cesse, avec courage et opiniâtreté, de nouveaux champs de connaissance et de liberté. Car la culture, l’instruction, et la littérature ont été ses chemins d’émancipation. C’est notamment grâce à sa bonne pratique de plusieurs langues étrangères qu’il devra sa survie dans les camps. L’esprit de Camus, de Dostoïevski, de Baudelaire ou encore du poète slovène Srecko Kosovel ont guidé sa vie. « J’écris pour tous les humiliés », déclare-t-il, faisant sienne la déclaration en 1954 de Camus dans « l’Eté » : « Oui, il y a la beauté et il y a les humiliés. Quelles que soient les difficultés de l’entreprise, je voudrais n’être jamais infidèle ni à l’une ni aux autres. »

Sur ma table de chevet d'Etonnants Voyageurs, quelques livres fétiches que j'emmène avec moi : Heiner Müller, le discours de Suède de Camus et aussi le recueil chez Seguers du poête visionnaire slovène Kosovel que Boris Pahor adore.

Sur ma table de chevet d’Etonnants Voyageurs, quelques livres fétiches que j’emmène avec moi : Heiner Müller, le discours de Suède de Camus et aussi le recueil chez Seguers du poête visionnaire slovène Kosovel que Boris Pahor adore.

Mes tournages – qui n’étaient à priori au début qu’un premier travail de repérage – ont démarré en 2008 dès notre première rencontre, chez lui, dans les hauteurs de Trieste. Six ans plus tard, je réalisais que j’avais chez moi quelques 120 h de rushs : précieuses archives tournées dans plusieurs pays. N’ayant trouvé aucun diffuseur français voulant s’impliquer financièrement dans de ce film, je continuais néanmoins à le retrouver dès qu’une opportunité se présentait, caméra à la main. Il y a un an et demi, je décidais qu’il était temps de donner à ce film sa forme avec les éléments tournés. J’avais hâte tout à coup de pouvoir montrer des images à mon héros. Je procédais alors au montage, d’abord seule, puis avec l’aide de Slobodan Obrenic et de Thomas Bertay de Sycomore Films. Peu à peu le portrait se dessinait sous mes yeux, trouvait naturellement sa vie et les rythmes dont j’avais imaginé les grandes lignes. Pour ce « portrait » qui implique à 100 % son portraitiste, – moi -, je décidais d’abord d’éliminer du film tout intervenant extérieur qui parlerait de Boris Pahor à sa place. L’omniprésence de notre personnage de 101 ans serait la ligne de force du documentaire. J’en étais convaincue ! Il faudrait comprendre comment un homme peut tisser la trame de son propre destin dans le temps donné de sa vie, avec les éléments incontournables et réels de toute existence : l’histoire d’une enfance, d’un peuple et d’un pays. Pour Boris, cette réalité nauséabonde avait surgi bien tôt dans son existence de petit garçon… Quelle avait pu être l’incidence de l’exercice de la littérature dans sa façon d’appréhender le monde ? Autrement dit, quelle part de fiction l’artiste écrivain Boris Pahor a-t-il pu ou su insuffler dans sa propre vie ? Je voulais réaliser là, autour de Boris Pahor, un film universel. Un film où l’on verrait vivre et parler un personnage archétypal, auquel chacun pourrait s’identifier comme dans une fiction. Un film avec un héros. Et Boris Pahor en avait de toute évidence l’étoffe ! J’imaginais que le film devait s’articuler autour d’une succession de plusieurs plans, qui feraient échos à ceux du paysage de Trieste. Au premier plan, donc il y aurait d’abord le corps de Boris. Car c’est son corps qui s’impose d’abord à mon regard. Celui d’aujourd’hui. Celui d’hier. « L’image n’a pas de passé », dit Bachelard. Je suis fascinée par son corps de vieillard qui est aussi un corps d’enfant. Jeune, il était déjà dans cette ambivalence. On peut le constater sur les photos. Filmer le corps de Boris Pahor serait donc une de mes priorités. La façon dont il tient ses mains par exemple est éloquente, car ses mains doublent sa pensée, et parfois, la précèdent. Souvent, elles sont posées devant lui ostensiblement, les doigts longs et reptiliens en attente. Soudain de mystérieux tempos les mettent en mouvement et la parole advient… Quand on le regarde en train d’écrire, la détermination avec laquelle il imprime son énergie sur les touches manuelles de sa machine à écrire est également significative. De toute évidence, son corps a la parole ! Une parole qui lui a été arrachée enfant, quand le slovène, sa langue maternelle lui fut interdite dans les rues et les écoles de l’Italie fasciste. Son corps a dû développer alors naturellement cette expressivité presque animale, garante de sa survie. Aujourd’hui encore, je vois que sa présence physique impressionne toujours ses interlocuteurs. Son rapport à l’idée de l’amour qui se révèle dans une expression littéraire éminemment sensuelle, relève sans doute de ce statut que Boris Pahor a su donner à son propre corps notamment dans les camps : une forme de respect total pour le corps humain érigé en absolu ! Au deuxième plan, on trouve les paysages de la région où il est né : celui de Trieste et de son arrière-pays. C’est un autre corps vivant dans lequel il est enchâssé, suscitant à la fois attirance et malaise au gré des évènements plus ou moins tragiques dont il est le théâtre. Pour aller de la mer Adriatique du golfe de Trieste jusqu’aux plus hauts sommets des Alpes Juliennes, il faut entre les deux, traverser ce plateau du karst, creusé de grottes souterraines qui s’insinuent au centre de la terre. La réalité physique, topographique une fois de plus, de ce paysage tridimensionnel, décrit les lignes de forces cosmiques du paysage mental, intérieur, de Boris Pahor, omniprésent dans son œuvre. Il fallait donc filmer avec soin ces trois lieux emblématiques, ces trois niveaux de conscience du paysage que sont la mer Adriatique, le plateau du Karst et les montagnes des Alpes Juliennes. « Quand je suis à la montagne », dit notre héros, « j’ai envie de retourner au bord de la mer. Et dès que je suis devant la mer, j’ai envie de rechausser mes chaussures de montagne ». Boris Pahor est un marcheur. Il a beaucoup pratiqué la randonnée en haute montagne, notamment autour du mont Triglav, dont les trois dents acérées du sommet orne le drapeau slovène. Au troisième plan du film, on trouve le corps des livres de Boris avec des mots et des phrases qu’il a fallu extirper des textes pour leur donner dans le film une vie autonome, portés par le timbre chaud et velouté de la voix du comédien Marcel Bozonnet. Enfin ma propre voix circonscrit en off tout le film. Il s’agit de dire que je suis là, que c’est bien moi qui scrute le paysage intérieur de Boris, et que ce documentaire est aussi l’histoire de ma rencontre avec lui. Je voulais depuis le début l’emmener sur ses montagnes… Finalement, ce ne fut pas au Triglav mais sur le mont Nanos, non loin de Trieste, où nous nous sommes rendus pour ses 99 ans. Le mont Nanos qui l’avait vu embrasser sa femme la première fois et où son beau-frère, grand résistant, avait mené de farouches combats contre les fascistes… Ce lieu avait du sens ! Nous nous sommes donc mis en route vers ce sommet étrangement recouvert en ce jour d’août d’une brume épaisse. Ce sale temps n’encourageait pas à la promenade. Aussi, comme par miracle, nous étions les seules âmes de ces contrées et la grâce de ce moment fut alors à la hauteur des efforts incessants que j’avais déployés pour vaincre les réticences de mon héros. Un bonheur intense nous envahit dès que nous nous trouvâmes sur cette lande déserte au-dessus du monde, et je pleurais de joie courant après lui avec ma caméra, toute interloquée d’être si bien parvenue à mes fins. Au loin, sur la toute dernière ligne d’horizon, je croyais voir de petits bateaux avec leurs voiles blanches gonflées par le vent, traçant leurs sillons sur la mer bleue de la baie de Trieste. » Fabienne Issartel, réalisatrice, mai 2015

L'écrivain Boris Pahor et la réalisatrice Fabienne Issartel : face à face  en descendant du mont Nanos en Slovénie...

L’écrivain Boris Pahor et la réalisatrice Fabienne Issartel : face à face en descendant du mont Nanos en Slovénie…

Retrouvez aussi Boris Pahor très bientôt à Strasbourg pour une signature à la Librairie Kléber le 19 juin, et une projection de mon documentaire « Boris Pahor, portrait d’un homme libre » au cinéma Odyssée le 20 juin à 18 h. Boris Pahor sera là pour dialoguer avec vous ! Laissez vos commentaires sur mon site. Fabienne Issartel : https://fabienneissartel.wordpress.com L’article sur mon documentaire dans Médiapart : http://blogs.mediapart.fr/blog/alicia-deys/081014/boris-pahor-un-sommet-d-humanite QUI EST Fabienne Issartel ?

Fabienne Issartel Film Kodak Portra 400  Rolleiflex 2,8 GX 14 juin 2014

Fabienne Issartel
Film Kodak Portra 400
Rolleiflex 2,8 GX
14 juin 2014

Fabienne Issartel développe d’abord, dans les années 90, un travail très personnel autoproduit autour de lʼidée de « Films Promenade ». Le dispositif qu’elle met en place, entre réalité et fiction, permet, dans chaque film, de circonscrire poétiquement un lieu de Paris. C’est ainsi que naîtront « Là-haut sur la montagne » (rue de Ménilmontant), « Etat de Siège » (sur les Bateaux-bus de la Seine) ou « Printemps » (le long du canal Saint-Martin). Dans les documentaires de Fabienne Issartel, il y a toujours cette volonté de révéler la dimension de « personnages » des gens filmés. Cette approche cinématographique, proche de la fiction, la conduira ensuite à la réalisation de documentaires où les héros sont souvent des artistes dont elle veut percer le secret. Musiciens, sculpteurs, cinéastes, écrivains viennent ainsi faire un bout de chemin devant sa caméra. Fabienne Issartel les regarde avec la curiosité du promeneur qui se laisse entraîner dans une aventure. Car d’un film à l’autre, c’est la propre quête de la réalisatrice qui est sous-jacente, entre certitude et doute. « Ou allons-nous ? » se demande-t-elle. Ce à quoi elle répond : «vers ce quelque part qui n’est peut-être nulle part ! » Elle tourne ces jours-ci « chacun cherche son train », une réflexion sur le temps et l’accélération du monde mettant en scène des rencontres dans les trains, et montre le portrait qu’elle a réalisé du grand écrivain slovène de Trieste, Boris Pahor.

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