Mon article « BORIS PAHOR, LA VIE COMME UN SPORT » ici en version sonore

La revue en ligne Zone Critique a consacré de très nombreux articles à la littérature slovène en octobre 2020. Ils avaient publié à l’époque mon texte « BORIS PAHOR, LA VIE COMME UN SPORT ».

https://zone-critique.com/2020/10/14/boris-pahor-la-vie-comme-un-sport/

Le voilà maintenant en version sonore lu par Bagheera Poulain :

https://audioblog.arteradio.com/embed/172644

« La lecture a été réalisée en plusieurs phases de loin pendant le confinement par la comédienne Baghera Poulain. J’ai monté l’ensemble en y rajoutant quelques extraits de mon film « Boris Pahor, portrait d’un homme libre ». On y entend la voix de l’écrivain de Trieste, un grand résistant rescapé des camps et qui vient de fêter en août 2021 son 108ème anniversaire. La musique au violoncelle est celle d’Ariane Issartel pour la composition et l’interprétation. Philippe Lemenuel a mixé ces éléments quelquefois bien disparates dans leur mode d’enregistrement. Ce travail sonore était la meilleure façon d’envoyer un message, une lettre à Boris Pahor qui perd peu à peu ses yeux. Quel est le mystère d’une vie si longue ? On y réfléchit forcément bien au-delà du film quand on a pu rencontrer souvent un tel personnage engagé et humaniste. Il faut lire aussi les ouvrages de Boris Pahor. Un très grand écrivain. »

Bibliographie sélective de Boris Pahor :

Pèlerin parmi les ombres, 1990, La Table Ronde, 1996, La petite Vermillon

La trilogie triestine :
Printemps difficile, 1995, Phébus, 2013 Libretto

Jours obscurs, 2001, Phébus

Dans le labyrinthe, 2003, Phébus

La Villa sur le lac, 1998, Bartillat
Arrêt sur le Ponte Vecchio, nouvelles, 1999, éditions des Syrtes, 2006, 10/18
La Porte dorée, 2002, les éditions du Rocher
Le jardin des Plantes, 2007, les éditions du Rocher
L’Appel du navire, 2008, éditions Phébus
Quand Ulysse revient à Trieste (1955) trad. 2013, éditions Pierre-Guillaume de Roux
Place Oberdan à Trieste, 2018, nouvelles, éditions Pierre-Guillaume de Roux
Et si c’était à refaire : chemins de Boris Pahor, 2019, livre hommage, éditions Pierre-Guillaume de Roux

Tagué , , ,

« Deux mains refermant étroitement un cycle de cent ans d’histoire et de sang. » Trieste était le 13 juillet la capitale de l’Europe rendant à Boris Pahor, témoin du siècle, les plus grands honneurs … Petit résumé d’un évènement hautement symbolique annonçant un renouveau européen !

 

Les présidents italien (Matararella) et slovène (Pahor) main dans la main le 13 juillet 2020
Les présidents italien (Mattarella) et slovène (Pahor) main dans la main le 13 juillet 2020

Je reçois ce 13 juillet alors que je suis allongée sur les bords du lac d’Issarlès en Ardèche le SMS de mon amie F. de Trieste qui me donne quelques nouvelles de l’évènement tant attendu – et auquel je n’ai finalement pas pu me rendre – de la restitution de l’Italie à la communauté slovène, du bâtiment de « l’hôtel des Balkans », alors « la Maison de la culture slovène » incendiée par les fascistes il y a 100 ans sous les yeux de Boris Pahor qui n’avait 7 ans :

“Salut Fabienne,
Petit résumé de la célébration qu »on a vu de loin avec R, car il ne manquait pas de police et autres. On a dû attendre 1h devant l’ex Narodni Dom et puis le président italien est enfin sorti : on a applaudi, des voitures slovènes sont arrivées, une chorale a entonné un chant slovène, et puis c’était tout. Fini. Il devait y avoir une soixantaine de personnes. L’événement sans tambours ni trompettes n’a pas manqué néanmoins de faire réagir. Il y a eu deux manifs néo-fascistes autorisées contre la restitution du Narodni Dom les jours précédents. Beaucoup d’intellectuels aussi étaient contre. Finalement les triestins n’arrivent pas encore a digérer leur passé fasciste et anti-slovène, car cet état d’esprit est encore très présent. Boris Pahor s’est aussi beaucoup exprimé dans les journaux, égal à lui-même. Et pendant ce temps-là aussi, le premier ministre slovène Janša a encore fait des siennes en accusant les communistes du massacre de Srebrenica à l’occasion de la commémoration.
F”

L'incendie du Narodni dom à Trieste en 1920
L’incendie du Narodni dom à Trieste en 1920

Le livre de Boris Pahor « l’enjeu du port » où il raconte l’incendie du Narodni dom vient d’être ré-édité dans une nouvelle collection numérique « gli squali » (les Requins) des éditions « la nave di Teseo »

« Tout Trieste regardait la grande maison blanche où des flammes montaient à chaque fenêtre. Les flammes comme des langues acérées, comme des drapeaux rouges. (…) Pendant ce temps, les hommes noirs criaient et dansaient comme des Indiens qui, attachés à la perche par la victime, les avaient allumés sous le feu. Ils dansaient armés de haches et de matraques. »

Il rogo nel porto de Boris Pahor, édition la Nave di Teseo, collection gui Squali

Il rogo nel porto de Boris Pahor, édition la Nave di Teseo, collection gli Squali

Avec les yeux de Branko et Evka, deux enfants d’origine slovène qui ont grandi dans le Trieste d’après-guerre, Boris Pahor retrace l’un des chapitres les plus dramatiques de l’histoire européenne du XXe siècle avec son art de la narration. Dans une ville divisée après la Première Guerre mondiale, où Italiens et Slaves se regardent avec méfiance, Branko et Evka grandissent parmi les jeux et les peurs de leurs pairs, plongés dans les langues et les cultures d’Europe centrale. Jusqu’au 13 juillet 1920, où les équipes fascistes mettent le feu à la Maison de la culture slovène de Trieste, le Narodni dom : la chasse aux étrangers commence et les jeux pour enfants deviennent d’une autre nature.

Dans mon film « Boris Pahor, portrait d’un homme libre », il m’a raconté aussi cette histoire qui fut le moteur de sa vie et de tous ses combats.

Le teaser du film ici :

 

Boris Pahor chez lui à Trieste en 2019

Boris Pahor chez lui à Trieste en 2019

BORIS PAHOR

«J’aimerais vivre au moins jusqu’au 13 juillet. J’espère qu’ils m’inviteront. J’aimerai avoir mon mot à dire.” avait confié en avril dernier Boris Pahor, l’écrivain de Trieste de la minorité slovène au Corriere della Sera. Le vieil homme qui aura 107 ans le 26 août prochain espérait bien pouvoir assister à la restitution de “l’hôtel des Balkans”, ancien siège du journal slovène « Narodni Dom », maison de la culture, dans sa communauté : celui-là même qu’il avait vu brûler à l’âge de sept ans tenant fébrilement par la main sa petite soeur alors que les corps carbonisés tombaient des fenêtres sous leurs yeux saisis d’horreur. Un geste attribué aux squadristi (chemises noires) de Trieste, en réponse aux violences anti-italiennes qui avaient eu lieu à Split. Ce sont des années où les tensions nationalistes ont fait rage le long de la frontière orientale. Une centaine d’années se sont écoulées depuis lors. Les temps ont changé. Les temps ont changé oui, même si une poignée de gens, quelques centaines à peine, continuent néanmoins à entretenir les vieilles rancoeurs…

Une manifestation le 10 juillet devant le Narodni dom contre la restitution
Une des manifestations le 10 juillet devant le Narodni dom contre la restitution et au son de l’hymne national italien. Est écrit sur la banderole : « Pas de réhabilitation pour les terroristes du groupe TIGR »

Le programme de la journée du 13 juillet 2020

Le président de la République italienne Sergio Mattarella, et le président slovène Borut Pahor, avaient programmé de se retrouver le 13/07/2020 à Trieste pour franchir ensemble de nouvelles étapes sur la voie de la réconciliation autour de gestes symboliques et historiques.

1. le dépôt d’une couronne de fleurs – aux couleurs des drapeaux des deux États – auprès du gouffre de Basovizza. Ainsi Borut Pahor serait le premier président d’une nation née après la désintégration de la Yougoslavie à rendre hommage aux victimes italiennes des massacres de la fin de la dernière guerre mondiale. Une cérémonie identique aura lieu peu après au monument voisin commémorant les quatre jeunes Slaves abattus en 1930 par le régime fasciste. 2. Le moment principal de la rencontre serait le transfert à la minorité slovène du Narodni dom, l’ancien hôtel des Balkans incendié le 13 juillet 1920 par les chemises noires fascistes. 3. Enfin un autre rendez-vous sera la remise des plus hautes distinctions des deux pays à l’écrivain italien de langue slovène Boris Pahor. Dans ses écrits, Pahor a raconté l’incendie du Narodni dom, sa détention dans les camps de concentration nazis et le drame des gouffres et des cadavres des deux camps qui s’y trouveraient ensevelis. Il n’a cessé depuis d’oeuvrer pour ces reconnaissances et une réconciliation toujours fragile…

Journée du 13 juillet. Un journaliste témoigne :

« Personne parmi les spectaeurs de la place n’a pu entrer dans le Narodni dom lors de la visite des présidents, et les rues devant et autour de celui-ci ont été étroitement fermées par la police. En outre, des journalistes, cameramen et reporters photo slovènes ont été entassés dans une salle du Narodni dom pendant deux heures. Ainsi, nous n’avons pu suivre la visite des présidents que dans une mesure limitée, à huis clos. Il était à noter que les organisateurs italiens craignaient que quelqu’un puisse siffler le président ou crier des slogans inappropriés. Des centaines de personnes se sont donc rassemblées au Trg Dalmacija voisin, d’où l’hymne Primorska Vstajenje Primorske ou Vstala Primorska a été entendu à l’arrivée de Pahor. Ce n’est que lorsque les deux présidents sont partis qu’environ 500 Slovènes de Trieste ont célébré de manière informelle et bruyante le retour du Narodni dom dans la rue même avec des discours, des chants et des applaudissements. Les mesures anticovides et le cordon de sécurité ont empêché une large participation populaire à la cérémonie de Basovizza. Dans le centre de Trieste, de nombreux citoyens ont exprimé cependant leur soutien à l’importante signature. »

QUELQUES ARTICLES NARRANT CETTE JOURNEE HISTORIQUE

Dans le Corriere della Sera

CHRONIQUES – Foibe Basovizza, rencontre Mattarella-Pahor sur le Karst de Trieste – Le président de la République, Sergio Mattarella est à Opicina (Trieste) avec le président de la Slovénie Borut Pahor. Les deux présidents ont observé une minute de silence en se serrant la main, par Silvia Morosi

 

Les présidents italien, Sergio Mattarella, et slovène, Borut Pahor, à Trieste, en Italie, le 13 juillet.

Les présidents italien, Sergio Mattarella, et slovène, Borut Pahor, à Trieste, en Italie, le 13 juillet.

Le président de la République, Sergio Mattarella est à Villa Opicina (au-dessus de Trieste) avec le président de la Slovénie Borut Pahor. Une rencontre sur le chemin de la réconciliation. C’est la première fois que le président d’un des États nés de la désintégration de la Yougoslavie rend hommage aux victimes italiennes de la dictature de Tito. Les deux chefs d’État se sont rendus à la Foiba (le gouffre) de Basovizza, où un nombre inconnu d’Italiens sont morts en 1945, tués par les Titistes, et au monument qui rappelle le sacrifice de quatre antifascistes slovènes, abattus par le régime Mussolini en 1930. Ferdo Bidovec, Fran Marusic, Zvonimir Milos et Alojz Valencic avaient entre 22 et 34 ans et faisaient partie d’un groupe clandestin lié au Tigr; ils avaient également été reconnus coupables d’une attaque contre le journal fasciste local « Il Popolo di Trieste », dans laquelle un rédacteur en chef, Guido Neri, était décédé. Les quatre exécutés au fil du temps sont devenus un symbole de la résistance des minorités slaves au fascisme. Les deux présidents ont observé une minute de silence en se serrant la main.

«Les Italiens et les Slovènes regardent vers l’avenir»

Puis, à la préfecture de Trieste, les deux ont signé un protocole d’accord pour la restitution à la communauté slovène en Italie du Narodni Dom, la maison du peuple incendiée par les fascistes le 13 juillet il y a cent ans. « L’histoire ne peut pas être effacée et les expériences douloureuses subies par les habitants de ces terres ne peuvent être oubliées », a déclaré le président de la République, Sergio Mattarella. «C’est précisément pour cette raison – a-t-il ajouté – que le présent et le futur appellent au sens des responsabilités, à faire un choix entre continuer à entretenir ces souffrances d’un côté et de l’autre, cultiver le ressentiment, ou au contraire en faire un héritage commun dans la mémoire et le respect, en développant la collaboration, l’amitié, et le partage à l’avenir. Des deux côtés de la frontière, le sens de la séparation a heureusement été surmonté grâce au choix commun de l’ntégration dans l’Union européenne. Les Slovènes et les Italiens sont définitivement sur la deuxième voie face à l’avenir, au nom de valeurs communes : liberté, démocratie, paix. Aujourd’hui, ici à Trieste, avec la présence de notre ami le président Pahor, nous marquons une étape importante dans le dialogue entre les cultures qui marquent ces zones frontalières et les rendent précieuses pour la vie de l’Europe « . S’adressant au « cher Président et ami Mattarella, aux chers compatriotes slovènes, aux chers amis italiens », Pahor de son côté a évoqué « son immense joie qu’aujourd’hui les torts aient été corrigés et justice faite ». Une journée de fête parce que nous célébrons ensemble une entreprise commune de l’Italie et de la Slovénie ». Et il a conclu ainsi : «Aujourd’hui, comme quelqu’un l’a dit, nous vivons ces rêves interdits qui se réalisent, comme si après cent ans toutes les étoiles s’étaient enfin alignées. Mais elles ne l’ont pas fait toutes seules. C’est nous qui leur avons prêté main forte”.
Reconnaissance à Boris Pahor
Mattarella et Pahor ont ensuite remis la plus haute distinction des deux pays à l’écrivain italien naturalisé slovène Boris Pahor, âgé de 107 ans le 26 août, témoin alors qu’il n’avait que 7 ans de l’incendie du Narodni dom (expérience qui l’a marqué tout au long de la vie, qui fait souvent surface dans ses romans et nouvelles), prisonnier dans les camps de concentration nazis et impopulaire auprès de la dictature de Tito pour ses livres dénonçant justement la tragédie de ces gouffres (Foibe).

« J’offre ces honneurs à toutes les morts que j’ai connus dans les camps de concentration et aux victimes du nazifascisme et de la dictature communiste », a déclaré l’écrivain.

UN ARTICLE DANS LE MONDE, FRANCE
A Trieste, les présidents slovène et italien en quête de réconciliation des mémoires

Borut Pahor et Sergio Mattarella se sont retrouvés dans le nord-est de la Péninsule, pour une journée de commémoration, remplie de symboles et de messages historiques. Par Jérôme Gautheret Publié hier à 17h25

13 juillet 2020

13 juillet 2020. Les présidents slovène, Borut Pahor, et italien, Sergio Mattarella, à Basovizza, dans le nord-est de l’Italie

Lundi 13 juillet, à Trieste, dans le nord-est de l’Italie, les présidents slovène et italien, Borut Pahor et Sergio Mattarella, ont rendu hommage à un très vieil écrivain, qui ne voulait pas mourir avant d’avoir assisté à cette journée historique. Décoré, à quelques minutes de d’intervalle, des plus importantes distinctions de deux pays (il a été fait grand-croix de l’ordre du Mérite de la République italienne, puis de l’ordre du Mérite exceptionnel slovène), Boris Pahor a accueilli ces honneurs avec gravité, puis les a dédiés « à tous les morts rencontrés dans les camps de concentration, ainsi qu’à toutes les victimes du fascisme nazi et de la dictature communiste ».
Né le 26 août 1913, au cœur de l’Autriche-Hongrie de François-Joseph, qui vivait ses dernières heures, Boris Pahor a vu de ses yeux, le 13 juillet 1920, il y a exactement cent ans, l’incendie par des jeunes militants fascistes du Narodni dom (le centre culturel slovène de Trieste), qui sera le point de départ des persécutions contre les populations slaves de la région, ainsi que l’origine de sa vocation littéraire.
Il a connu, dans son enfance, l’italianisation forcée, puis l’horreur des camps nazis (engagé parmi les partisans yougoslaves, il fut déporté en Alsace, au camp du Struthof) et, enfin, la naissance, après 1945, de frontières qui ont transformé sa ville, naguère le plus grand port de l’Europe centrale, en une enclave étranglée par le rideau de fer. Devenu citoyen italien, il n’a jamais cessé d’écrire dans sa langue maternelle, pour défendre les droits de la minorité slovène de cette région ballottée par l’histoire. En plus d’être un immense écrivain, longtemps considéré comme susceptible d’obtenir le prix Nobel de littérature, Boris Pahor est devenu, du fait de sa longévité, le symbole vivant de tout un peuple. Certes, ses jambes ne le portent plus, mais sa voix reste claire et forte, et les deux chefs d’Etat ne pouvaient, au terme de cette journée de commémoration, placée sous le signe de la réconciliation des mémoires, faire l’économie d’un hommage solennel, particulièrement émouvant.

Main dans la main

Quelques heures plus tôt, les gouvernants ont fait ensemble un autre geste historique, celui de se recueillir, main dans la main, à quelques kilomètres de là, devant la foiba de Basovizza, un ancien puits de mine devenu le lieu symbole des massacres d’Italiens et de partisans yougoslaves anticommunistes, qui ont eu lieu de 1943 à 1945 dans les grottes naturelles de ce plateau calcaire, sur ordre du maréchal Tito, et ont fait plusieurs milliers de morts.

Les présidents italien, Sergio Mattarella, et slovène, Borut Pahor, à Trieste, en Italie, le 13 juillet.

Les présidents italien, Sergio Mattarella, et slovène, Borut Pahor,à Trieste, en Italie, le 13 juillet.

Ici, chaque geste historique doit être soigneusement pensé, afin de ne pas réveiller des douleurs anciennes. Du côté slovène, on insiste sur les ravages du fascisme, les persécutions d’avant-guerre et l’offensive italo-allemande de 1941, point de départ, dans la région, de la seconde guerre mondiale. Du côté italien, c’est, à l’inverse, les massacres de l’après-guerre et l’exode de centaines de milliers d’Italiens d’Istrie et de Dalmatie qui est mise en avant.
Cette mémoire est d’autant plus complexe qu’elle a ressurgi durant les années 1990, après avoir longtemps été refoulée : l’Italie de la guerre froide voulait entretenir les meilleures relations possibles avec la Yougoslavie et, en dehors des environs de Trieste, seuls les nostalgiques du fascisme veillaient à entretenir la mémoire des victimes des massacres des foibe.
« Je ne crois pas qu’on puisse réconcilier les mémoires »
Aussi, la journée du 13 juillet a-t-elle été pensée minutieusement et exécutée au millimètre. L’hommage de Basovizza s’est accompagné d’un autre moment de recueillement, à la mémoire de quatre jeunes militants antifascistes slaves, condamnés à mort par la justice italienne et exécutés le 6 septembre 1930. Surtout, les deux chefs d’Etat ont signé ensemble un protocole pour transférer la propriété du bâtiment du Narodni dom de Trieste, devenu le siège d’une école de traduction, à une fondation constituée de deux associations slovènes. Aussi chacun aura-t-il, de part et d’autre de la frontière, l’occasion de retenir ce qu’il voudra de la journée.
Représentante au Sénat italien de la minorité slovène de Frioul-Vénétie julienne, Tatjana Rojc a accueilli avec satisfaction cette journée saturée de symboles et de messages historiques. « C’est vrai que les médias italiens insistent surtout sur le geste des deux présidents et la mémoire des victimes des foibe. Mais cela s’est passé un 13 juillet, qui est une date centrale pour les Slovènes. Et tous les journaux mentionnent les autres moments de la journée, en particulier la restitution du Narodni dom, qui était, il y a cent ans, notre maison commune… » Elle poursuit : « Je ne crois pas qu’on puisse réconcilier les mémoires. » Reste que ce 13 juillet 2020, à Trieste, sous les yeux d’un patriarche de 106 ans, les deux côtés de l’histoire ont pu s’exprimer.
Jérôme Gautheret(Trieste, envoyé spécial)

La sénatrice Tatjana Rojc (Pd) a déclaré :

Boris Pahor et Tatjana Rojc

Boris Pahor et Tatjana Rojc

«La remise de deux très hautes distinctions italienne et slovène à Boris Pahor a une grande valeur symbolique, unique dans l’histoire des deux républiques. Le président Mattarella avec l’Italie reconnaît publiquement le prix très élevé payé par cette région du nord-est du pays où la violence fasciste s’est manifestée très tôt, marquant une partie du XXe siècle de conséquences sanglantes. Le président slovène Borut Pahor honorera les mérites littéraires et la défense constante des droits slovènes, l’engagement envers la démocratie et le courage de Boris Pahor d’avoir pu affronter des problèmes difficiles tels que les massacres de l’après-guerre. C’est une reconnaissance due à un grand témoin du XXe siècle mais aussi à toute la communauté slovène, aux victimes d’une italianisation forcée, contraintes d’être autres qu’eux-mêmes pendant des générations entières. C’est un hommage aux victimes innocentes comme le musicien Lojze Bratuž, qui a dû boire de l’huile de vidange pour avoir dirigé une chorale en slovène lors d’une messe de Noël en 1936, hommage aux condamnés à mort du Tribunal spécial de 1930 et 1941 et aux centaines d’otages fusillés. « 

Le Consul général de la République de Slovénie à Trieste :

« Il prend cette décoration, en particulier la décoration italienne, non pas pour lui-même, mais pour tous ceux qui ne sont pas revenus des camps, qui n’étaient pas aussi heureux que lui, et pour tous ceux qui ont souffert à Gonars, à Rab », a déclaré Vojko, Consul général de la République de Slovénie à Trieste qui a rendu visite à l’écrivain Boris Pahor à quatre reprises ces derniers jours. Ce n’est que lorsqu’il lui a assuré que Mattarella avait bien lu sa lettre et “le rapport de la Commission historique mixte” qu’il a décidé d’accepter ces plus hautes décorations d’État.

Le lien pour lire ici en anglais ce

« rapport de la Commission historique mixte” (1880 – 1956) évoqué par Boris Pahor :

https://www.kozina.com/premik/indexeng_porocilo.htm

PDF de la couverture ici :

Slovene-Italian Relations 1880-1956 | Report of the Slovene-Italian historical and cultural commission

Boris Pahor avait envoyé au président Matarella une lettre pour le presser de lire ce rapport, dont voilà un court extrait traduit par Jean-Louis Mignot (merci à lui) :

Le 14/02/2020, lettre de Boris Pahor au Président italien (extrait) :

« Je n’ai pas lu votre discours sur la loi de la Mémoire car ma vue est mauvaise, mais je ressens cependant la nécessité de vous écrire.

Je n’ai pas devant moi votre texte pour pouvoir le citer. Vous avez de fait regretté que la loi du 10 février (loi de 2004 instituant la journée du souvenir, note trad) ait omis de mentionner tout le mal provoqué par le fascisme pendant la longue période qu’il était au pouvoir et qu’il y avait l’occupation italienne de la Slovénie, du printemps 1941 au 8 septembre 1943. Je regrette de devoir constater l’intention de cette omission : c’est ce que je soutiens dans le texte que j’ai publié dans le numéro spécial de la revue MicroMega consacré à la Résistance. J’avais été invité personnellement par son directeur Paolo Flores d’Arcais à y contribuer.

Je ne sais si vous aviez lu mon texte, mais j’ai malheureusement constaté que la préface de ce numéro est de votre main. Si j’avais été au courant de cela je me serais adressé directement à vous et je vous aurais indiqué qu’en l’absence de la publication du rapport de la commission historico-culturelle italo-slovène il y avait là un devoir d’honnêteté : reconnaître que la population italienne, avant tout la jeune génération, doit connaître la situation réelle de la population slovène et croate à l’époque de la domination fasciste. Pour autant que je sache la France et l’Allemagne, après avoir réuni des témoignages sur les raisons des horreurs de la guerre, les ont insérés dans les textes d’histoire et de littérature utilisés dans les écoles de l’Etat. » …

Encore des articles de la journée du 13 juillet 2020

Trieste, Mattarella et le président Pahor main dans la main près du gouffre de Basovizza : un geste historique de paix et la première cérémonie italo-slovène européenne

« L’histoire ne peut être effacée et la douleur ne sera pas oubliée », a déclaré le président de la République italienne.
Une minute de silence en se serrant la main devant l’entrée du gouffre de Basovizza au-dessus de Trieste : un geste de paix historique qui a uni le président de la République Sergio Mattarella et son homologue slovène Borut Pahor.

Borut Pahor est le premier président d’un des pays nés de la désintégration de l’ex-Yougoslavie à commémorer les victimes italiennes des gouffres, où on estime que les partisans yougoslaves ont jeté deux mille Italiens militaires et civils. Il y a 100 ans, la maison du peuple, le Narodni dom, a été incendiée par les fascistes. « Soit la rancune est cultivée, soit elle se fait patrimoine commun dans la mémoire et le respect en cultivant une amitié commune. Les Slovènes et les Italiens sont définitivement sur la deuxième voie vers l’avenir”.
Après la minute de silence à la foiba de Basovizza, les deux présidents se sont arrêtés devant la pierre commémorative qui rappelle que quatre membres du Tigr (Trst Istra Gorica Rijeka) avaient été abattus le 6 septembre 1930 en exécution d’une condamnation à mort prononcée par le Tribunal spécial pour la défense de l’État. Ferdo Bidovec, Fran Marusic, Zvonimir Milos et Alojz Valencic avaient entre 22 et 34 ans et faisaient partie d’un groupe clandestin lié au Tigr. Ils avaient été reconnus coupables d’une attaque contre le journal fasciste local « Il Popolo di Trieste », dans lequel un rédacteur en chef, Guido Neri, était mort. Les quatre exécutés au fil du temps sont devenus un symbole de la résistance des minorités slaves au fascisme.

Reconnaissances à l’écrivain Boris Pahor 

A l’issue des cérémonies, les deux chefs d’Etat ont ensuite remis les honneurs de leurs pays respectifs à l’écrivain slovène de nationalité italienne Boris Pahor. Boris Pahor, qui fêtera ses 107 ans en août, avait été témoin – le seul encore vivant aujourd’hui -, à l’âge de sept ans, de l’incendie de Narodni dom, une tragédie qu’il n’oubliera jamais. Pahor est le symbole vivant de cette relation conflictuelle entre les deux peuples: il a subi la persécution fasciste, la déportation vers les camps de concentration nazis et l’interdiction de Tito d’entrer en Yougoslavie. « Je dédie les honneurs », a-t-il dit, « à toutes les morts que j’ai connues dans le camp de concentration et aux victimes du nazisme, fascisme et de la dictature communiste ».

 

Boris Pahor recevant une médaille des mains du président italien le 13 juillet 2020 à Trieste

Boris Pahor recevant une médaille des mains du président italien le 13 juillet 2020 à Trieste

13 JUILLET A la préfecture une signature solennelle 13:44

Sergio Mattarella :

«Une décision au nom des valeurs communes de liberté, de démocratie et de paix »

Borut Pahor :

« L’Italie et la Slovénie célèbrent ensemble un rêve interdit qui est devenu une réalité. « 

Peu avant 13 heures, le moment solennel de signature du mémorandum a commencé dans la préfecture de Trieste. Avant cela, Boris Pahor est arrivé dans la salle à 12 h 51, moment accompagné d’applaudissements. La ministre italienne de l’Intérieur, Luciana Lamorgese a ensuite pris la parole : « La protection des minorités et de leurs droits est l’un des principes directeurs et fondamentaux de notre constitution », a-t-elle déclaré. En coopération avec plusieurs institutions, en particulier l’Université de Trieste, la municipalité de Trieste et la province de l’ancienne République yougoslave de Macédoine, nous avons élaboré un protocole dans lequel nous avons défini en détail le calendrier et la série d’actions à mener pour le retour du Narodni dom à la communauté slovène italienne conformément à la loi 38 de 2001. Avec cette restitution nous serons en mesure de réaliser l’un des principes fondamentaux des deux démocraties : le respect de la diversité et de l’identité nationale. Ce n’est que de cette manière que nos communautés nationales pourront être renforcées. « 

La signature du document a suivi. Le mémorandum sur le retour du Narodni dom a été signé par huit personnes, à savoir – le ministre italien de l’Intérieur Luciana Lamorgese, le ministre de l’Université Gaetano Manfredi, le directeur de l’Agence du domaine public Antonio Agostini, le Premier ministre Massimiliano Fedriga, le maire de Trieste Roberto Dipiazza Université de Trieste Roberto Di Lenarda, président du Conseil des organisations slovènes Walter Bandelj et président de l’Association culturelle et économique slovène Ksenija Dobrila.

Le président italien Sergio Mattarella a accueilli Borut Pahor. «L’histoire ne peut être oubliée et les expériences difficiles et douloureuses des personnes qui ont souffert sur ce territoire non plus. C’est pourquoi le présent et l’avenir nous appellent à rendre des comptes. Il faut décider que nous ne plus ferons qu’une seule pensée de cette souffrance qui a été ressentie des deux côtés, et que nous oublierons les choses laides. Cela deviendra notre valeur commune, une source de coopération, de respect et d’amitié. La frontière ne signifie plus la séparation. Nous, Italiens et Slovènes, des deux côtés de la frontière, avons choisi cette voie, au nom des valeurs communes de liberté, de démocratie et de paix. Aujourd’hui à Trieste avec un ami, le président Borut Pahor, nous marquons une étape importante vers un dialogue entre deux cultures très importantes », a-t-il déclaré.

Borut Pahor a parlé de fête. «Je suis submergé par de forts sentiments de bonheur. 100 ans après l’incendie, le Narodni dom a été rendu aux Slovènes. L’injustice est corrigée, justice est rendue. Aujourd’hui est un jour de fête, un jour férié. L’Italie et la Slovénie célèbrent un évènement ensemble. C’est un rêve interdit qui est devenu réalité « , a-t-il souligné. «Le retour du Narodni dom donne l’impression d’être évident, mais ce n’est pas le cas. Bien que ce soit un effet de la loi et de la justice, toutes ces années écoulées avant la restitution auraient pu tout aussi bien se prolonger. Cette restitution est le fruit de nos actions persistantes et mutuelles, qui se sont entrelacées et croisées pacifiquement dans une merveilleuse harmonie de confiance mutuelle. À cet égard, nous sommes fiers de poursuivre le chemin de nos prédécesseurs. Nous nous souvenons avec gratitude de leur courage, de leur persévérance directe et de leur vision d’une communauté connectée et en ouverture l’une avec l’autre. Aujourd’hui, ce «rêve interdit est devenu réalité». Comme si après cent ans, toutes les étoiles de ces combats s’étaient enfin allignées. Et elles n’ont pas fait cela toutes seules mais avec et grâce à nous” a-t-il ajouté.

VIDEO
Mattarella remet une médaille à Boris Pahor

Il le nomme Chevalier de la Grand-Croix de l’Ordre au mérite de la République italienne. Boris Pahor le dédie aux victimes du totalitarisme.

remise de deux médailles à Boris Pahor le 13 juillet2020

L’écrivain Pahor a expliqué il y a quelques jours que, malgré les objections initiales qu’il avait pour les décorations des deux présidents, il avait décidé de les accepter et de les dédier à tous ceux qui sont morts dans les camps.

Boris Pahor reçoit les honneurs des deux présidents à la préfecture de Trieste le 13 juillet 2020

Boris Pahor reçoit les honneurs des deux présidents à la préfecture de Trieste le 13 juillet 2020

Boris Pahor, qui aura 107 ans le 13 août, avait été témoin de l’incendie du Narodni dom alors qu’il était enfant il y a exactement cent ans, le 13 juillet 1920. Cet incendie est devenu dans son oeuvre un symbole de la lute la reconnaissance de la culture et de l’identité slovène (“Printemps difficile” et “place Oberdan”). Tout au long de sa vie, l’écrivain a attiré l’attention sur les dangers des régimes totalitaires dont il a été victime, et sur la nécessité d’une attitude confiante et droite au sens large du terme, qui ne peut être fondée que sur une bonne connaissance de l’histoire et des identités. L’écrivain est aussi un défenseur opiniâtre pour les droits des langues et des cultures en danger, et a toujours souligné que la conscience nationale est nécessaire non seulement pour la survie des Slovènes en Italie mais aussi de l’homme et de l’humanité dans le monde entier.
Il aime particulièrement s’adresser aux jeunes et les inciter à prendre une part active aux choses publiques, basée sur la connaissance, l’approfondissement et l’étude de l’histoire, du droit et de la diplomatie, afin que le monde puisse vivre un réel changement.
Récemment, à l’occasion du 100e anniversaire de l’incendie du Narodni dom à Trieste, il a parlé dans les médias de cet événement dont il avait été témoin à la veille de sa septième année. Dans le même temps, il a soutenu les efforts visant à regagner la propriété du bâtiment pour la minorité slovène et a de nouveau appelé à la re-publication en Italie d’un “rapport de la commission mixte slovène-italienne sur la période de 1880 à 1956”.

À l’occasion du retour du Narodni dom à Trieste aujourd’hui, les présidents slovène et italien Borut Pahor et Sergio Mattarella ont remis à l’écrivain de Trieste Boris Pahor, témoin oculaire de l’incendie fasciste il y a cent ans les plus hautes décorations d’État : un ordre de mérite extraordinaire slovène pour sa contribution vitale à la compréhension et à la connexion des peuples d’Europe et pour son engagement sans compromis en faveur du peuple slovène et de la démocratie. Le président italien lui a remis le chevalier de la Grand-Croix, l’Ordre du mérite de la République italienne.

VIDEO
« Aujourd’hui, Trieste était au centre de l’Europe.

« Le geste des deux présidents slovène et italien, main dans la main à Basovizza, est une reconnaissance des tragédies que cette frontière a vécues ».

Ainsi s’exprime ici dans une vidéo le président de la Région FVG, Massimiliano Fedriga, à l’issue de la visite des deux chefs d’État .

13 juillet, Trieste, réactions du président de la région et du public présent devant le Narodni dom

Dans le centre de Trieste, les commentaire du Président Fedriga et de nombreux citoyens exprimant leur soutien à l’importante signature. « Deux mains refermant étroitement un cycle de cent ans d’histoire et de sang », dit Fedriga.

Restitution du Narodni dom à Trieste

Pahor et Mattarella ont remis à l’écrivain de Trieste Boris Pahor, qui aura 107 ans dans un mois, les plus hautes décorations d’État des deux pays. FRANCISCO AMMENDOLA Boris Jaušovec 13.07.2020, 18.43

Le président slovène Pahor et son hôte Mattarella ont déclaré que le présent et l’avenir nous appellent à la responsabilité.
Borut Pahor : « Exactement cent ans après l’incendie criminel fasciste, le Narodni dom a été rendu à la minorité slovène. L’injustice a été rectifiée et nous avons tous fait respecter nos droits. un point de convergence inspirant entre les Italiens et les Slovènes. «  Pahor a ensuite expliqué qu’il est né dans le Karst, y a grandi, et qu’il connaît donc les sentiments de ses compatriotes du Littoral, mais qu’il essaie aussi de comprendre tous les autres sentiments : « Avec cet acte, les deux nations seront une source d’inspiration pour l’Union européenne sans précédent et qui annonce une étape historique pour l’avenir.  » On pouvait penser que les choses ne s’amélioreraient pas, mais la restitution du Narodni dom se présente aux générations futures comme une chance de renouer avec l’esprit européen et l’humanisme ».
Matarella de son côté a déclaré à la préfecture: « L’histoire ne peut être effacée et les expériences difficiles des habitants de la région ne peuvent être oubliées. C’est pourquoi le présent et l’avenir nous interpellent. » Selon Mattarella, c’est une étape importante vers le dialogue entre deux cultures très importantes de la région.

LE CENTENAIRE – 13 JUILLET 1920 – Trieste, l’enjeu de Narodni dom et des gouffres. le jour historique du souvenir.

Lundi 13 juillet, 100 ans après l’incendie contre l’identité slovène de Trieste qui a détruit la Maison de la Culture, Mattarella et son homologue slovène Pahor se sont retrouvés pour la première fois en l’honneur des morts italiens de la Basovizza et des martyres de la répression italienne contre la minorité slave par Marzio Breda

Une terre écrasée par la vieille violence et les rancunes jamais cicatrisées. Un avant-poste disputé et donc toujours mobile. Bref, une « périphérie précaire », comme l’a dit l’historien Giampaolo Valdevit. Pour dire ce qu’était la capitale de notre extrême nord-est au siècle dernier, il suffirait de penser aux sept drapeaux que les gens ont vu hisser dans leurs édifices publics entre 1914 et 1954 : l’Autriche-Hongroise et la Savoie, celui du Reich hitlérien et les Yougoslaves, les Britanniques et les Américains jusqu’aux retrouvailles avec l’Italie et au retour de notre tricolore sur la Piazza Unità.
Nous devons repenser le récit tragique des victimes de cette longue séquence d’occupations et de réoccupations – et nous sommes intéressés par ceux à cheval sur le protofascisme de Mussolini auquel le nationalisme communiste de Tito a réagi – pour comprendre la forte valeur symbolique de la réunion du lundi 13 juillet à Trieste entre les présidents d’Italie et de Slovénie, Sergio Mattarella et Borut Pahor. Les deux chefs d’Etat, qui se sont déjà vus à de nombreuses reprises, forgeant une amitié sous le signe de l’unité européenne, honoreront pour la première fois ensemble (voici la nouveauté absolue) les Italiens morts des gouffres et les martyrs de la répression italienne contre de la minorité slave.

Boris Pahor au café luksa à Prosek

Boris Pahor au café luksa à Prosek

La première étape du chemin de la réconciliation se fera à Basovizza, à quelques kilomètres de la ville, sur le plateau karstique. Mattarella et Pahor (le premier homme d’État de l’ex-Yougoslavie dissoute à faire un geste similaire) placeront ensemble une couronne devant la plaque de bronze qui couvre l’accès à un puits minier de plus de deux cents mètres de profondeur, l’une de ses grottes sans fonds plus nombreuses dans la région où, entre 1943 et 1945, les partisans yougoslaves ont jeté deux mille militaires et civils de nos compatriotes «Infoibati», selon le néologisme brut inventé après la guerre.
Ils s’arrêteront ensuite non loin à l’ancien champ de tir, devant la pierre commémorative rappelant le souvenirs des quatre jeunes antifascistes slaves condamnés par le tribunal spécial du régime et fusillés ici en 1930.
Un autre moment clé sera la signature du protocole de transfert de propriété du Narodni Dom, lieu emblématique de l’identité slovène de Trieste et de l’essor économique de sa bourgeoisie à l’aube du siècle dernier, à une fondation constituée d’associations représentant précisément cette minorité. C’était, textuellement, la «maison du peuple», siège d’une société culturelle du même nom créée au début du XXe siècle et abritée dans un bâtiment Art nouveau où se trouvait également l’hôtel Balkan, un café, une salle de théâtre, une banque et quelques bureaux.
Il fut détruit le 13 juillet 1920 par un incendie déclenché par la toute première escouade et avant-garde fasciste à l’œuvre dans le pays. C’était une blessure irrémédiable. Aussi parce qu’il représentait l’incipit dramatique d’une chaîne d’autres feux de joie et pogroms (accompagnés de l’interdiction d’utiliser la langue slovène et de la fermeture des écoles et des activités culturelles et sportives de la communauté slovène) mis en œuvre par les stratèges de Mussolini pour effacer cette identité et pour imposer notre suprématie. Le prix du sang et de l’humiliation payé par les deux parties après cela, et l’exode de 350 000 Italiens d’Istrie et de Dalmatie lorsque le fascisme a été vaincu et que le communisme titiste s’est imposé de l’autre côté de l’Adriatique, a déclenché des ressentiments tenaces loin d’être assainis et maintenant le peuple de Trieste en otage de souvenirs sélectifs. Chaque prisonnier attendant au moins une compensation morale.
En témoignent le mécontentement et la polémique de la veille, également ravivés par le vent souverain résurgent (aujourd’hui on exagère les nationalismes on les définit comme tels) qui émerge en Italie comme en Slovénie. Bien sûr, ni Mattarella ni Pahor ne se trompent sur le fait que la réconciliation est ici un processus de surface. Notre président, en particulier, suit la voie empruntée par son prédécesseur Giorgio Napolitano depuis 2010, lorsqu’il a réussi à convoquer un sommet trilatéral à Trieste avec ses collègues slovène et croate, Danilo Turk et Ivo Josipovic, nés de l’idée d’un concert souhaité par Riccardo Muti, « arrêter de cultiver le passé et regarder vers l’avenir ».

Boris Pahor, quelques repères biographiques

Né à Trieste en 1913, célèbre dans le monde entier pour ses livres et ses romans, Boris Pahor a été témoin à 7 ans de l’incendie du Narodni dom. Si il a toujours critiqué l’Italie, il a aussi eu le courage d’avoir défié Tito, publiant en 1975 avec son ami Alojz Rebula le livre « Edvard Kocbek: témoin de notre temps » (Edvard Kocbek: pričevalec našega časa). Dans cette interview-livre, publiée à Trieste, Boris Pahor dénonçait le massacre de 12000 prisonniers de guerre par Tito, appartenant à la milice anti-communiste slovène (domobranci) et d’autres crimes dans ces gouffres perpétrés par le régime communiste yougoslave en mai 1945. Les réactions du gouvernement yougoslave ont été très dures : les œuvres de Pahor ont été interdites dans la République socialiste de Slovénie de l’époque et il n’a plus pu voyager en Yougoslavie pendant des années. Dernier témoin de l’incendie du Narodni Dom alors qu’il n’avait que 7 ans le 13 juillet 1920 à Trieste (événement tragique décrit dans le recueil de nouvelles « L’enjeu du port ») il a reçu la plus haute distinction de Chevalier de la Grand-Croix du Mérite de la part de la République italienne et le titre de Chevalier de la Grand-Croix et du « Zlato odlicje », la médaille d’or de la République de Slovénie.
Son œuvre la plus célèbre est “Pélerin parmi les ombres” écrit initialement en 1967 et dans laquelle il décrit l’expérience des camps. Un ouvrage devenu célèbre dans toute l’Europe. Boris, l’un des auteurs slovènes les plus vendus à l’étranger, a souligné à plusieurs reprises qu’il avait été reconnu à l’étranger bien plus tôt que chez lui. Il a reçu un grand nombre de prix et de distinctions, dont le prix Prešeren (1992), l’insigne d’honneur d’argent de la République de Slovénie (2000), l’Ordre français de la Légion d’honneur (2007) ou le titre honorifique d’ambassadeur culturel de la République de Slovénie.
Pahor a déjà été présenté dans plusieurs documentaires, plus récemment par la BBC britannique l’an dernier avec le film “L’homme qui a trop vu”, décrit comme le plus ancien prisonnier survivant connu dans les camps Nazis, ou encore celui très biographique de la documentariste française Fabienne Issartel présenté à Ljubljana il y a deux ans. Plusieurs articles lui ont été consacrés ces dernières années par les médias étrangers de toute l’Europe, comme Le Monde, la Rai et The Guardian..etc.

Teaser du documentaire « Boris Pahor, portrait d’un homme libre » de Fabienne Issartel

Une nouvelle vidéo « Boris Pahor plan séquence » tournée en 2012 et des nouvelles de Boris le confiné éternel : hier dans les camps puis plus tard au sanatorium, aujourd’hui c’est de sa cuisine de Trieste qu’il nous raconte, à 107 ans, qu’il est aussi un survivant de la grippe espagnole ! Une information relayée dans toute l’Europe.

Bonjour, 

Je profite de ce temps qui nous est donné pour redécouvrir des moments de tournage oubliés dans mes disques durs. Voilà donc une séquence avec Boris Pahor que j’aimais bien en 2012, mais qui ne pouvaient trouver place pour plusieurs raisons (dont certaines techniques) dans la chronologie du montage de mon long « film portrait ». J’ai procédé au sous-titrage en français de l’extrait pour un meilleur confort. Il y a 8 ans, Boris Pahor n’avait alors que 99 ans… Mais l’avenir bien incertain du monde qu’il évoque semble étonnamment d’actualité

UNE VIDEO :

RUSHES N°7 de Fabienne Issartel, « Boris Pahor Plan Séquence », Strasbourg, mars 2012

 

« Au printemps 2012, je vais à Strasbourg pour tourner de nouvelles séquences de mon documentaire « Boris Pahor portrait d’un homme libre ». Boris Pahor est venu de Trieste pour recevoir une « Médaille d’honneur de la ville de Strasbourg », et son ami l’écrivain slovène Drago Jancar de Ljubljana, pour se voir remettre le « Prix européen du roman de l’année ». Normalement c’est un beau moment pour Boris Pahor. Cette forme de reconnaissance officielle pour l’horreur qu’il a vécu non loin de là dans les Vosges au sein du camp nazi du Struthof – trop souvent oublié par la France – a évidemment comblé Boris Pahor le matin même dans la salle bourrée à craquer de la mairie de la capitale alsacienne. Le prix littéraire européen décerné à Drago Jancar donne aussi sens et chair à ses combats incessants pour la défense de la langue et de la culture slovène, considérées longtemps comme minoritaires… Pourtant cet après-midi-là, celle du 24 mars 2012, après toutes ces festivités, Boris Pahor erre tout seul dans la ville en proie aux incertitudes et aux doutes. « Quel avenir pour l’humanité va-t-on inventer au XXIème siècle ? » se demande-t-il. Presque machinalement je le suis, de loin puis de près, avec une minuscule caméra et sans micro. Il parle… A qui parle-t-il ? C’est un plan séquence. Un moment de vérité à regarder tel quel et qui n’existe que dans son cheminement de dix minutes très précisément et ce jour-là, très exactement. » Fabienne Issartel

 

BORIS PAHOR DE PRINTEMPS EN PRINTEMPS…

 

"Printemps difficile" de Boris Pahor, capture d'écran du film de Fabienne Issartel

« Printemps difficile » de Boris Pahor, capture d’écran du film de Fabienne Issartel

DES NOUVELLES DU CONFINEMENT de Boris Pahor

Ses conseils de lecture dans Dnevnik :

https://www.dnevnik.si/1042926265

«Je vais conseiller deux livres d’Albert Camus. « La peste » d’abord qui est sans aucun doute une lecture intéressante, car elle traite avec une précision si exarcerbée de la « peste-pandémie » qu’elle vous laisse entrevoir l’autre mal – le nazisme. Mais plus encore, il me tiendrait vraiment à coeur que les gens lisent « L’homme révolté ». Ce livre est un évangile politique. Nous savons bien que Jésus-Christ était le plus grand des rebelles ! Il serait sans doute préférable d’ailleurs que je devienne chrétien moi aussi, car alors je pourrais vivre après la mort… Mais après la mort, je serai parti… La mort emporte ensemble le corps et l’âme, car l’âme est née avec un corps – des choses héritées de nos parents, et aussi des livres… « 

La grippe espagnole :

Pendant l’hiver de 1918-1919, on comptera jusqu’à un milliard de malades, sur une population totale de 1,9 milliard d’humains sur la planète, et le nombre de décès liés à cette pandémie est évalué entre 50 à 100 millions. L’épidémie fit environ 408 000 morts en France.

Boris Pahor raconte comment il a survécu à la grippe espagnole après la « grande guerre » !

Dans Causeur :

Confiné à Trieste pour cause de Coronavirus, l’écrivain slovène Boris Pahor sera bientôt âgé de 107 ans. Aujourd’hui aveugle, il ne peut plus « s’incliner chaque matin devant la beauté du monde », depuis sa maison qui surplombe la mer Adriatique. Rescapé des camps de la mort dont le Struthof, il est également celui qui a survécu et dit « trois fois non » aux totalitarismes du vingtième siècleque toute sa vie et son oeuvre ne cesseront de questionner. Mais il est peut-être également l’un des derniers survivants de l’épidémie de grippe espagnole. Il se remémore cette pandémie qui causa 3 à 4 millions de morts dans les années 1917.18 et 19 dans une Europe exténuée par quatre années de guerre et de privations. (ainsi que 50 à 100 millions dans le reste du monde)

A lire ici en français ici 

Dans Causeur :

Boris Pahor: je me souviens de la grippe espagnole – Causeur

DANS LA VOIX DU NORD 

Et bientôt disponible dans la Voix du Nord en version papier, le lien ci-dessous déjà accessible aux abonnés. «Le remède-miracle ne suffira pas. C’est notre façon de vivre qu’il faut changer!» dit Boris Pahor, par Claire Lefebvre
https://www.lavoixdunord.fr/738285/article/2020-04-08/l-ecrivain-boris-pahor-le-remede-miracle-ne-suffira-pas-c-est-notre-facon-de

imagen-200123db03-12182104_156466_20200331205858

L’écrivain slovène Boris Pahor

DANS LA REVUE EN LIGNE « Les plats pays »

De Lille à Trieste – article de Luc Devoldere dans la revue en ligne « les plats pays »

« Boris Pahor a survécu à la grippe espagnole en 1918 ainsi qu’aux camps de

concentration allemands en 1944-1945. À ses dépens, il a connu les trois

idéologies du XX siècle (le fascisme, le nazisme et le communisme) et les a

toutes combattues. Aujourd’hui, à la table de sa cuisine qui surplombe le

golfe de Trieste, il appelle, aveugle mais lucide, à un Parlement européen

et, d’ici un siècle, à un parlement mondial qui ne tolérera guère que qui ce

soit meure de faim. »

 

« Boire une goutte d’eau » tout premier opus de la série RUSHES N° est à revoir ici :

 

Liens en slovène

Dans DELO Boris Pahor évoque à nouveau la grippe espagnole et aussi son confinement d’aujourd’hui :

https://www.delo.si/kultura/knjiga/boris-pahor-iz-karantene-slovenci-pozabite-na-egoizem-295226.html

« Je ne m’ennuie pas parce que je ne me suis jamais ennuyé de ma vie.

Pas un jour ! »

Extraits de l’article de Delo :

« L’homme qui a survécu à la Première Guerre mondiale, à la grippe espagnole, à la Seconde Guerre mondiale, à quatre camps et à trois totalitarismes survit maintenant à l’épidémie de coronavirus. Il dit aux Slovènes: restez à la maison, lisez des livres, des slovènes et des classiques du monde, oubliez l’égoïsme… Sa routine quotidienne est stricte. Le dîner est à six heures et demie. Uniquement soupe de légumes. Puis repos. Les après-midi qui étaient auparavant destinées aux visites, ne sont maintenant que guère animées. Quand son téléphone portable s’est cassé pendant quatre jours, c’était bien embêtant, mais heureusement, il était de nouveau en état de marche et il reçoit nombreux appels (y compris le nôtre). Dont son ami, Evgen Bavcar, qui lui a rapporté que le magazine français Causeur avait publié son témoignage sur la grippe espagnole… Il attend patiemment que le facteur lui apporte un colis. Un nouveau livre de Drago Jančar «qui place la réalité de la littérature slovène dans un contexte européen. Jančar est le seul à m’avoir toujours été fidèle », a t-il déclaré. Maintenant qu’il ne va nulle part et que personne ne vient à lui, il a souligné qu’il ne s’ennuyait pas parce qu’il ne s’était jamais ennuyé de sa vie. « Pas un jour… Personne ne sait comment et quand se terminera le coronavirus », a-t-il ajouté, soulignant la nécessité de suivre les instructions sur le port de masques, gants, et distanciations. Lorsque l’épidémie sera terminée, l’humanité se rendra à nouveau compte que nous sommes tous vulnérables ».

Boris Pahor chez lui à Trieste

Boris Pahor chez lui à Trieste

Dans  le PRIMORSKI :

https://www.primorske.si/mnenja/kolumne/glas-vpijocega-v-puscavi/boris-pahor-ne-sme-igrati-monopolija

Très bel article, pertinent et drôle d’Andraž Gombač, le 9. 04. 2020,

qui explique qu’il a eu le temps en ces jours si paisibles de confinement à la maison de ressortir de son placard son vieux jeu de Monopoly de l’époque, un jeu qui est le miroir de ce qui est censé avoir de la valeur à un moment donné (il détaille tout cela en citant les lieux)… Un jeu qui raconte une idée du capitalisme dans un lieu donné. Un jeu destiné aussi, dit la notice, « à tous public » avec cette précision bien connue « de 7 à 99 ans ». Heureusement, conclut alors Andraž Gombač, que Boris Pahor à 107 ans, n’a plus le droit de jouer à ce jeu, car il nous battrait tous ! (à lire absolument en slovène car la traduction google demande vraiment beaucoup d’imagination…)

Dans Novice

Voilà encore un article portrait assez complet et qui synthétise les épisodes marquants de la vie de Boris Pahor, à lire en slovène ou via la traduction google approximative que vous en ferez…

https://novice.svet24.si/clanek/novice/slovenija/5e5e6cb07c0ea/najprej-se-bomo-pogovorili-o-fasizmu

En Espagne

On évoque aussi la grippe espagnole de Boris Pahor :

https://es.noticias.yahoo.com/escritor-que-sobrevivio-la-gripe-espanola-a-punto-de-cumplir-107-anos-en-plena-pandemia-de-covid-19-193534238.html?guccounter=1&guce_referrer=aHR0cHM6Ly93d3cuZ29vZ2xlLmZyLw&guce_referrer_sig=AQAAAHFTCtm1Xqv4qU3IVTZZIvD2zE-1DD9JgFIOLzDWp7aGYdfxBiq9xAM9g6s5iUf5zo_9VBSCPg9rNOQ4SJy1G6JvPlNuZ7-2Uy1G6-bbcKsb-86AVuJesGFuCU3cBb2lqZ62zMJI5WwfgAHFTuA4hCzQvcj-fR8Y-mANKLrY3lWZ

D’UN CONFINEMENT, L’AUTRE !

Après la libération des camps, Boris Pahor revient de Bergen Belsen jusqu’à Lille, puis rejoint finalement Paris. Atteint de phtisie, il est alors confiné au sanatorium de Villiers sur Marne dans la région parisienne. 

Boris Pahor confiné au sanatorium de Villiers sur Marne, 1946, capture d'écran du film de Fabienne Issartel

Boris Pahor confiné au sanatorium de Villiers sur Marne, 1946, capture d’écran du film de Fabienne Issartel

C’est là, dans cet atmosphère « Montagne magique » qu’il renaîtra peu à peu à la vie, grâce notamment à un amour indéfectible qui naît entre lui et une infirmière. Il en fait le récit dans son roman « Printemps difficile », Phébus.

La terrasse du sanatorium de Villiers sur Marne, capture d'écran du film de Fabienne Issartel

La terrasse du sanatorium de Villiers sur Marne, capture d’écran du film de Fabienne Issartel

 

D’un printemps, l’autre… Lisez ou relisez ce « Printemps difficile » de Boris Pahor dans le Paris bouleversé de l’après guerre. Un confinement bien doux néanmoins après celui des camps, aux côtés de la belle Arlette qui le ramène à la vie…

 

L'infirmière du sanatorium de Villiers sur Marne dont Boris Pahor tombe amoureux, capture d'écran film de Fabienne Issartel

L’infirmière du sanatorium de Villiers sur Marne dont Boris Pahor tombe amoureux, capture d’écran film de Fabienne Issartel

UNE LECTURE DE TEXTE EN SLOVENE

Dans cette émission de la télé slovène en podcast, vous entendrez  20 minutes d’un chapitre de son roman «Printemps difficile» lu en slovène. L’écrivain, profondément marqué par l’expérience des camp nazis dont il revient, raconte son propre vécu dans un sanatorium près de Paris après la libération à travers l’histoire de son double littéraire Radko Sluban. Celui-ci tombe comme on le sait amoureux de son infirmière Arlette. Mais il raconte aussi comment Radko à Paris tente de vendre au marché aux puces des bottes militaires, qui lui ont été laissées après la libération du camp par un soldat anglais. Un de mes passages favoris dans cet ouvrage. En 2015, lors du tournage de l’émission, le texte a été interprété par l’acteur de théâtre Gasper Tic.

Et toute l’histoire de Boris Pahor est racontée dans mon film dont voilà le teaser :

 

Espagne :

Dans « la Rioja » par PABLO GARCÍA-MANCHA, Lundi 27 avril 2020

https://www.larioja.com/la-rioja/coronavirus/rodeado-vinedos-istria-20200427234023-ntvo.html?ref=https://www.google.fr/
Extrait :
« Nécropolis » (« Pèlerin parmi les ombres » en français) est un chef-d’œuvre perdu dans la littérature slovène depuis un quart de siècle et que j’ai lu il y a dix ans avec une réelle stupéfaction. Boris Pahor était déjà très vieux lorsqu’il a été découvert par la guilde éditoriale du grand circuit européen et est toujours vivant et confiné à Trieste en attendant son 107e anniversaire en août prochain. Boris, totalement aveugle, a vécu deux guerres mondiales, les camps nazis de Dachau, Dora, Bergen Belsen et Buchenwald, et son enfance a été marquée par la grippe espagnole de 1918. L’enfermement fait donc partie de sa vie depuis l’enfance…
Tagué , , , , , , ,

« Où va le lapin ? » un film de Fabienne Issartel avec les dessinateurs de l’Association

Le festival de BD d’Angoulême vient de fermer ses portes.

Le palmarès 2020 : https://www.franceinter.fr/culture/bande-dessinee-palmares-d-angouleme-revolution-de-florent-grouazel-et-younn-locard-fauve-d-or#xtor=EPR-5-%5BMeilleur03022020%5D

Voilà ici ma petite contribution aux Esprits dessinés, un film tourné à la fin des années 90 avec 5 artistes de la maison d’édition « l’Association » :
Visionnez ici « Où va le lapin ? » et que vive la sainte BD !

 

 

Dans ACTUA BD, un petit article sur le film :

«  »Où va le lapin ? » : la réalisatrice Fabienne Issartel exhume un documentaire sur L’Association
21 avril 2019 0 commentaire « Où va le lapin ? » : la réalisatrice Fabienne Issartel exhume un documentaire sur L’Association
Fabienne Issartel est réalisatrice de films documentaires. Elle a tourné plusieurs films expérimentaux qu’elles a nommés des « films promenades », réalisés à Paris dans les années 1990. Elle a également filmé des portraits d’artistes et des documentaires pour la télévision. Avec Où va le lapin ?, film longtemps oublié, elle offre à la fois une promenade – dans le dessin – et des portraits – de quelques-uns des auteurs de L’Association.

Fondée en mai 1990 par Jean-Christophe Menu, Lewis Trondheim, David B, Mattt Konture, Patrice Killofer, Stanislas et Mokeït, L’Association est emblématique du renouvellement de la bande dessinée européenne à partir des années 1990. Fer de lance de l’édition indépendante, L’Association n’est ni la seule, ni la plus radicale dans le champ de la bande dessinée alternative. Si elle a connu des hauts et des bas, devant notamment faire face à des crises internes, elle demeure aujourd’hui l’une des plus anciennes et des plus intéressantes maisons d’édition indépendantes. Elle continue de publier ses auteurs-fondateurs mais veille toujours à faire éclore de nouveaux talents.

Le film de Fabienne Issartel permet de se replonger dans une époque d’ébullition créative. Nous pouvons y découvrir, dans l’ordre, Jean-Christophe Menu, David B, Matt Konture, Vincent Sardon et Lewis Trondheim y composer un strip de cinq cases. Dessiné en direct sous l’œil de la caméra, il met en scène un lapin… Logique, puisque c’est le nom de la mythique revue de L’Association ! C’est l’occasion de les voir dessiner bien sûr, mais aussi de les écouter parler de leur travail et de celui de leurs camarades et amis.

Le film d’une durée d’à peine trente minutes rassemble donc cinq épisodes, mis bout à bout, tournés en 1997 dans les nouveaux locaux de L’Association lors de la fête annuelle de la maison d’édition. La réalisatrice a retrouvé récemment une cassette VHS, unique copie connue de ce film dorénavant accessible à tous. Un témoignage d’une rareté exceptionnelle ! »

https://www.actuabd.com/+Ou-va-le-lapin-la-realisatrice-Fabienne-Issartel-exhume-un-documentaire-sur-L+

Tagué , , , , , , , ,

Le festival du film de Trieste 2020. Le documentaire THE MAN WHO SAW TOO MUCH diffusé fin 2019 sur la chaine BBC 1 a été projeté ce 23 janvier en présence de BORIS PAHOR son héros de 106 ans. J’y étais !

Trieste vue de chez Boris Pahor, Janvier 2020

Trieste vue de chez Boris Pahor, Janvier 2020

A Trieste  s’est tenu du 17 au 24 janvier le Festival « WHEN EAST MEETS WEST ». C’est d’abord une rencontre unique de producteurs, diffuseurs, distributeurs et réalisateurs européens venant de l’Est et de l’Ouest de notre continent. C’est aussi la possibilité d’assister dans trois salles au coeur de Trieste à de nombreuses projections de films de fictions et documentaire d’auteurs rares tous passionnants et finement sélectionnés.  J’y étais avec Sophie Faudel de Mélisande Films pour rencontrer de nouveaux partenaires pour mon prochain film « NOTRE MITTELEUROPA un pont entre l’Est et l’Ouest ». C’est un festival à taille humaine, convivial, où l’on peut rencontrer professionnels et grand public avec naturel et simplicité. Le grand public y est d’ailleurs étonnamment  passionné, curieux et assidu. C’est l’endroit idéal pour retrouver de l’énergie et poursuivre mon chemin vers de nouvelles aventures documentaires. 

Le Trieste film festival ici : http://www.triestefilmfestival.it/

J’ai retrouvé évidemment Boris Pahor sur les hauteurs de Trieste très en verve… « Il ne faut pas vivre dans la nostalgie », dit-il. « Il faut savoir s’adapter au progrès, mais tout en restant des hommes… »

Boris Pahor me parle de l'avenir de l'Europe dans sa cuisine de Trieste, Janvier 2020

Boris Pahor me parle de l’avenir de l’Europe dans sa cuisine de Trieste, Janvier 2020

Parmi le programme très alléchant de ce festival, j’étais présente à la projection d’un film diffusé récemment sur la chaine BBC 1 mettant en scène Boris Pahor et l’histoire du camp nazi alsacien, le Struthof, où il a été interné. Grâce à ce film comportant de nombreuses archives inédites, l’existence de ce camp français est enfin mise en lumière dans un film, BBC oblige, qui sera diffusé dans toute l’Europe. Tant mieux. En voix off, on entend de nombreux extraits du récit littéraire que Boris Pahor a donné de sa terrible détention (« Pèlerin parmi les ombres » en Français). Boris Pahor s’était déplacé pour assister avec le public à l’évènement. Grand moment d’émotion pour moi qui faisait écho à mon propre travail avec Boris Pahor pour le film « Boris Pahor, portrait d’un homme libre ».

La projection du film "l'homme qui en a trop vu"(23 janvier 20) relatée dans le quotidien slovène de Trieste Primorski

La projection du film « l’homme qui en a trop vu »(23 janvier 20) relatée dans le quotidien slovène de Trieste Primorski

« L’homme qui en a trop vu », le 23 janvier, teatro Miela, 17 h, Trieste

« L’homme qui en a trop vu » est un documentaire produit par Marc Ramsay et Alan Yentob, qui raconte l’histoire de l’écrivain de 106 ans Boris Pahor, un des plus anciens survivants des camps de concentration nazis. Boris parle de son enfance, de l’incendie du centre culturel slovène de Trieste, le Narodni Dom, de sa lutte contre le fascisme et les nazis et de ses espoirs pour l’avenir de l’Europe. Réalisation : Jill Nicholls, Alan Yentob, 62′

L'écrivain Boris Pahor 106 ans parle au public au téatro Miela le 23 janvier 2020, Trieste

L’écrivain Boris Pahor 106 ans parle au public au téatro Miela le 23 janvier 2020, Trieste

Mon film « Boris Pahor, portrait d’un homme libre », projeté en avant-premières maintes fois dans plusieurs pays d’Europe, n’a jamais été diffusé à ce jour sur une chaîne de télévision. Je vais oeuvrer dans les mois à venir pour qu’il le soit.

Le résumé et la note d’intention du film sont enfin disponibles en anglais délicatement traduits par Patrice Issartel. Merci mille fois à lui pour ce beau travail .

Boris Pahor revient dans le camp du Struthof lors de mon tournage en février 2009. Photo Sylvie Goubin.IMG_2851 2

Boris Pahor revient dans le camp du Struthof lors de mon tournage en février 2009. Photo Sylvie Gouin. Tous droits réservés.

 

“Boris Pahor : portrait of a free man” /

A self produced documentary film by Fabienne Issartel, 98 ‘


A Fabienne Issartel’s documentary movie / presentation

 

Affiche slovène du film « Boris Pahor, portrait d’un homme libre » de Fabienne Issartel, présenté en septembre 2017

When Mussolini’s black shirts burnt down the Slovenian House of Culture in Trieste, Boris Pahor was only 7. He was forced to talk Italian and no more allowed to speak his Slovenian mother tongue in public. This trauma has been the driving force of his life’s struggles. With culture and his typewriter Boris Pahor participated in the resistance against fascism, Nazism and later, Tito’s communism. All alone, thanks to his mastery of his native Slovenian language, which was banned from the schools and streets of Trieste as early as 1920, he gradually regained his freedom and embodied it in an eminently sensual literature. After reading all the works of the writer available in French, the director Fabienne Issartel decided to visit him in Trieste. She arrived one evening in February 2008 and found Boris Pahor at home on the heights of the city, very close to Prosecco.
« Necropoli », his book on the Nazi camps, had just been republished in Italian with a preface by the very famous writer Claudio Magris from Trieste. The whole Italy was suddenly fascinated by the life of Boris Pahor, “this 95-year-old Slovenian hero” hitherto ignored by the general public. Strangely enough the director then shared with Boris Pahor this no longer expected moment, when he stepped out of shadow into light. Indeed during the months following their first interviews, Boris Pahor quickly made the headlines of all the media. Fabienne Issartel then filmed the writer for more than eight years. A relationship of respect and friendship has built up between the two individuals, and after the edition of the documentary, they naturally pursued this adventure during a preview presentation tour of the film throughout Europe.
Boris Pahor is now 106. “Boris Pahor, still alive to this day” chants the director’s latest off-voice, who wonders whether “living as a free man could make someone immortal?”

 

A portrait as a landscape

The fundamental experience of the camps for Boris Pahor, occupies a single year of his long life, but a year during which he managed to stay alive. There is no doubt that he had within himself this rare, extraordinary propensity for hope. The film tells how this inner resistance not only allowed him to survive in the hostile world of detention, but relentlessly accompanied him through the courageous and stubborn conquest of new fields of knowledge and freedom. Indeed culture, education and literature were his paths towards emancipation.
“I write for all the humiliated,” he says, endorsing Camus’ 1954 statement in “Summer”: “Yes, there is beauty and there are the humiliated. Whatever the difficulties of the enterprise, I would neither be unfaithful to the former nor to the latter.”

Shooting with Boris Pahor started in February 2008 at his home on the heights of Trieste. Whenever an opportunity arose, I would come and meet him with my camera. Six years later, I had an odd 120 hours of footage shot in several countries. I started the editing work alone and carried on with the help of Slobodan Obrenic and Thomas Bertay of Sycomore Films. Step by step the portrait was building up before my eyes, naturally matching the rhythms of the outline I had imagined from the start.

I first decided to ban from the film any outside contributor who would speak in place of Boris Pahor. The omnipresence of our character would be the main line of the documentary. Boris Pahor was obviously of the stuff heroes are made of and he would give the film its universal dimension. We would have to understand how a man can weave the fabric of his own destiny with the common elements of any existence: the story of a childhood, of a people, of a country. I was wondering what had been the impact of literature on his understanding of the world, in other words how much fiction had the writer Boris Pahor been able to instil into his own life?

 

La machine à écrire de Boris Pahor, septembre 2018

I imagined that the film would revolve around a succession of different shot levels that would echo those of Boris Pahor’s “landscapes”.

In the foreground of this portrait as a landscape is the body of Boris. Indeed it is his body that first strikes my sight. Today’s and yesterday’s. I am fascinated by his old man’s body which is also that of a child. As a young man, this ambivalence already existed. You can acknowledge it in the photos. Filming the body of Boris Pahor was therefore one of my priorities. The way he holds his hands, for example, speaks for itself. They are laid out conspicuously in front of him, his long and reptilian fingers on hold. And then mysterious tempos bring them to vibrate and speech arises. His hands accompany his thoughts and sometimes precede them. And when you watch him writing, the determination with which, like a sportsman, he transfers his energy to the keys of his manual typewriter is significant. Obviously, his body has a right to speak! This speech was ripped off him as a child, when Slovenian, his mother tongue, was brutally prohibited in the streets and schools of Fascist Italy. His body was then forced to develop this expressiveness. Today, I see that his physical presence always impresses his interlocutors. His relationship to love, which is revealed in an eminently sensual literary expression, also undoubtedly derives from the status that Boris Pahor was able to give to his own body, especially through the experience of the camps.

Les mains de l’écrivain Boris Pahor et sa revue ZALIV

 

Then there are the contours of the landscapes of Trieste and its hinterland. The wild nature of the Gulf of Trieste, arousing attraction or discomfort according to the more or less tragic events that took place there, is another living body in which Boris is enshrined. To go from the Adriatic Sea to the highest peaks of the Julian Alps, you must cross the Karst plateau, hollowed out with caves, black chasms, that serve as shelters or mass graves in the center of the earth. The physical and topographic reality of this three-dimensional landscape reveals the contours of Boris Pahor’s mental, interior and cosmic landscape. It was necessary to shoot carefully these three levels of landscape awareness. “When I’m in the mountains,” says our hero, “I want to go back to the seaside. And as soon as I’m in front of the sea, I want to put on my mountain boots.” Indeed, Boris Pahor has practiced hiking in the high mountains all his life long. He is the mountaineer of Mount Triglav whose three sharp teeth adorn the Slovenian flag…

In the background of the film is the body of Boris Pahor’s literary work, with its words and sentences that lead an independent life here in the film, carried by the warm and velvety tone of Marcel Bozonnet’s voice from the Comédie Française.

Boris pahor au camp du Struthof en 2009 lors de mon tournage. Photo Sylvie Goubin. Tous droits réservés.

The end of an endless film …
For the 99th birthday of Boris, we had decided to go to Mount Nanos near Trieste, where he had once exchanged his very first kisses with his wife Radoslava and where his brother-in-law Janko Preml, a famous member of the resistance, had led fierce fights against the fascists. This place made sense. So we set off for the summit, strangely shrouded in thick mist on this August day. As the weather did not encourage walking, we were the only wandering souls in these heights. The grace of this moment was worthy of the ceaseless efforts I had deployed to overcome the initial reluctance of my hero. On this deserted moor above the world, an intense happiness suddenly invaded us and I was crying with joy while running with my camera behind an exalted Boris on the brink of precipices. As we came back down, Boris wanted more. We therefore headed once again towards the summits: “We have time, don’t we?” asked our nearly hundred-year-old hero with this time-challenger’s humour…
Up there, where we once again stood in ecstasy, we then thought we were seeing, beyond the horizon, white sails ploughing furrows of boiling foam on the blue sea of the Gulf of Trieste.

Boris Pahor et Fabienne Issartel : Un grand moment de tournage en haut du mont Nanos en Slovénie

Le cinéaste hongrois Janos XANTUS évoque ICI dans RUSHES N°6 la situation du cinéma hongrois derrière le rideau de fer et après son démantèlement en 1989. « De la langue de bois à la gueule de bois ». Une archive inédite de 2005 tournée en Hongrie.

 

RUSHES N°6 de FABIENNE ISSARTEL, « le langage des images : de la langue de bois à la gueule de bois », 16′, Entretien réalisé en 2005 au Festival des jeunes cinéastes d’Europe centrale, Pécs, Hongrie. Archive inédite.

Le cinéaste hongrois Janos XANTUS évoque la situation du cinéma hongrois derrière le rideau de fer et après son démantèlement en 1989. 
Image : Marine Tadié – Son : Joseph Kocsis – Réalisation : Fabienne Issartel –

Tous droits réservés Fabienne Issartel – « les films d’Issartel » – 2014 – 2019

 

Le cinéaste hongrois Janos Xantus

Le cinéaste hongrois Janos Xantus dans les années 70

 

Fabienne Issartel, réalisatrice :

« Si j’ai eu l’impression de bien connaître la Hongrie la première fois que j’y suis allée en 1977, c’est sans doute parce que j’avais vu les films de Miklos Jancso, Istvan Szabo, Janos Xantus, Gabor Body, Peter Gothar, Zsolt Kézdi Kovacs, Tamas Almasi ou Péter Bacso en France via des K7 VHS. Tous ces noms ne vous disent peut-être rien, mais ils furent les stars des salles obscures de Budapest avant la chute du rideau de fer, donnant à chaque spectateur hongrois les signes d’une lumière possible à l’orée des chemins de l’histoire. Pour déjouer la censure, dans cette Hongrie d’avant 1989, il s’agissait pour les cinéastes hongrois de ne pas dire les choses de façon frontale mais de parler via “le langage des images”. Â partir de 77,  j’assistais régulièrement à des séances enthousiasmantes dans les cinémas de la capitale hongroise : au « Toldi » de la rue Bajcsy-Zsilinszky ou encore au « Puskin » sur Kossuth Lajos près du pont Elisabeth. Ce langage des images me permettait aussi à moi, la française, de pouvoir saisir le propos sans maîtriser parfaitement la langue. J’ai surement bien plus appris sur ce pays à travers ces projections qu’avec les manuels les plus sérieux d’histoire ou autres essais de géopolitique que j’aurais pu me procurer !
Après l’ouverture des frontières en 1989, ces cinéastes auxquels la « MA FILM » (la société étatisée du cinéma hongrois) assurait néanmoins un film annuel n’ont plus pu trouver aussi facilement des moyens pour tourner à leur guise dans ce tout nouveau « monde libre » d’économie de marché où il fallait maintenant développer des arguments de rentabilité.
Le 1er mai 2004 la Hongrie intégra finalement l’Europe. Dans cet entretien enregistré un an après au Festival de Cinéma de Pécs (2005), le cinéaste hongrois Janos Xantus nous parle de ce moment de passage paradoxal où le « Langage des images » adopté autrefois par les cinéastes pour déjouer la censure a soudain disparu, où l’esprit de famille frondeur et convivial du cinéma hongrois s’est peu à peu démantelé, remplacé par rien. Alors que faire de cette liberté ?
Dans les années 70 pourtant, le génie de leur chef de file Miklòs Jancsò, le réalisateur de « Psaume Rouge » (Grand prix de la mise en scène, Cannes 72), domine non seulement le cinéma hongrois mais il est la locomotive qui ouvre les marchés internationaux pour les autres cinéastes d’Europe de l’Est. Ils sont alors encensés par les intellectuels occidentaux. On leur organise des rétrospectives partout.

Après 89, le public hongrois se détourne peu à peu des films qui ne se conforment pas aux lois du marché international, celles-ci imposant le ton et les codes d’un cinéma commercial américain. La curiosité pour l’autre monde l’emporte. Le public occidental oublie aussi ces cinéastes « d’art et d’essais » qui ne font plus figure tout à coup de dissidents, qui ont perdu leurs beaux atours d’artistes engagés qui risquent leur peau.

Cette situation, emblématique de la disparition progressive de cultures européennes spécifiques après la chute du rideau de fer, est décrite ici dans les rushes N°6 en quelques mots très simples par Janos Xantus.

Mari Töröcsik dans le court métrage "Női kezekben" (entre des mains féminines) de Janos Xantus

La grande actrice Mari Töröcsik joue ici le rôle d’une étrange voyante dans  « Női kezekben » (entre des mains féminines), court métrage, 24′, 1980, de Janos Xantus

L’anniversaire le 9 novembre dernier des « 30 ans de la chute du mur de Berlin », les 7 ans de la mort de Janos Xantus le 13 novembre, me donnent l’occasion et l’envie d’évoquer l’esprit disparu de cette autre Europe, dîte de l’Est, qui m’a bouleversée et façonnée dès mon adolescence. Dans ce mouvement qui va « de la langue de bois à la gueule de bois » évoqué par Janos Xantus, il y a quelque chose d’important qui ne s’est sans doute pas transmis. Cette occidentalisation au forceps imposée sans discernement par notre économie de marché de l’Ouest à nos frères d’Europe de l’Est, au mépris de leurs cultures, est peut-être un peu responsable des replis identitaires et populistes que l’on connaît aujourd’hui… La parole de Janos Xantus nous permet en tous cas d’y réfléchir. Fabienne Issartel, réalisatrice

Le réalisateur hongrois Janos Xantus

Le réalisateur hongrois Janos Xantus

Qui est Janos Xantus ?

Janos Xantus, cinéaste de la scène alternative hongroise nous a quitté le 13 novembre 2012 à l’âge de 59 ans. Auteur de films expérimentaux, son nom reste associé à la création d’un nouveau langage cinématographique atypique et libre. Ses films poétiques, absurdes, grotesques et tragiques dévoilent la réalité fragile de la Hongrie des années 80. « L’Esquimaude a froid », son premier long métrage à la croisée des univers de Bunuel, Truffaut, Warhol et Fassbinder fut très remarqué à la quinzaine des réalisateurs de Cannes en 1984.
Janos Xantus était en même temps un grand metteur en scène de théâtre et professeur à l’Académie du Cinéma de Budapest. Il a aussi été très souvent également acteur. Chargé des relations internationales pour le département du film et de la télévision, il est le co-fondateur d’associations des cinéastes, intervenant à la biennale cinématographique de Budapest. Janos Xantus signe avec « Kiki dans le groupe », 53′, un documentaire sur le psychodrame théâtral hongrois, son dernier film en 2010.

Le premier long métrage de Janos Xantus "L'Esquimaude a froid", 1984, présenté à Cannes à la quinzaine des réalisateurs

« L’Esquimaude a froid », 1984, présenté à Cannes à la quinzaine des réalisateurs

 

Voici ce que Janos Xantus déclarait à propos de « L’Esquimaude a froid » dans le catalogue de la Quinzaine des Réalisateurs à Cannes en 1984 :


« Faire un film, c’est une aventure. On s’y prépare minutieusement. On voudrait faire face à tout imprévu. Je commence toujours ce « voyage » avec des plans précis et des moyens à toute épreuve. Mais dès que j’entre dans le vif du sujet, je jette tout, j’oublie tout ce que j’ai appris. Un plan précis m’empêcherait d’avancer, et mes armes familières me gêneraient. De toutes façons, dans cette aventure, aucune arme ne peut me servir, parce que je choisis des chemins inexplorés. Si par hasard, j’y rencontre des dangers connus, c’est que je me suis égaré.
Voilà comment j’ai écrit le scénario de L’ESQUIMAUDE A FROID et comment j’ai entrepris le tournage. Sans aucune garantie de sécurité. Et avec la détermination de bannir le conventionnel. Je crois que cette fiction constitue le témoignage d’une créativité totalement libre. »
Janos XANTUS

L'affiche hongroise du film "l'Esquimaude a froid" : "Ezkimo Asszony Fazik" de Janos Xantus

« Ezkimo Asszony Fazik ». Une affiche hongroise du film « l’Esquimaude a froid » de Janos Xantus

 

Lire l’article de Jean-Daniel Magnin dans la revue en ligne du théâtre du Rond point Vents contraires, 2014, avec un extrait de 2′ 30 de son film « Et ainsi de suite » :

http://www.ventscontraires.net/article.cfm/13962_janos_xantus__l_underground_oublie_d_avant_la_chute_du_mur.html

Janos Xantus, étudiant à l'Ecole de cinéma
Janos Xantus, étudiant à l’Ecole de cinéma

Engagé sur tous les fronts jusqu’à ses derniers jours, Janos Xantus était encore présent à une importante manifestation organisée en janvier 2012 juste devant l’opéra de Budapest pour protester contre l’entrée en vigueur de la nouvelle constitution hongroise proposée par Viktor Orban, et réclamer l’avènement d’une 4e République. Voici son constat à l’issue de la manifestation :

« En Hongrie, nous n’avons pas l’habitude de manifester car durant 40 ans de dictature communiste, nous n’avons pas pu le faire. Ici, les syndicats qui étaient des organisations fantômes commencent à peine à exister. Il y a désormais de nouveaux dirigeants et c’est une joie car ces nouvelles personnalités seront peut-êtres les politiciens de demain. Viktor Orban ne reculera devant rien. C’est un politicien très arrogant et ce sont les situations dangereuses, extrêmes, qui lui donnent sa force. Cette constitution, c’est la partie visible de l’iceberg. Chaque jour nous sommes surpris par ce qui peut encore se passer ici. Tous les jours des lois absurdes sont proposées au Parlement. Nous voulons construire la 4e République, celle d’après la constitution de Viktor Orban. La manifestation d’hier a été l’occasion de rassembler différentes organisations civiles, les syndicats mais aussi des politiciens, de gauche surtout, et qui avaient pour consigne de ne pas parler. Ce rassemblement était important car il a montré que les forces démocratiques étaient capables de dire quelque chose ensemble, ce qui n’est pas évident dans ce pays. C’est un point important car les sondages montrent que les électeurs qui ne voteront pas pour le parti au pouvoir, le Fidesz, ne savent pas à qui ils donneront leur voix lors de la prochaine présidentielle en 2014. Je suis très optimiste de nature mais une chose est sure, pour qu’une démocratie soit légitime, les gens doivent agir pour construire le système dans lequel ils souhaitent vivre. Les Russes nous ont rendu notre liberté mais il faut la travailler ».

 

Les cinéastes Janos Xantus et Milos Jancso font l'Etat des lieux du cinéma hongrois dans une cave de Pécs, Hongrie, 2005, capture d'écran, archives personnelles de Fabienne Issartel, tous droits réservés

Les cinéastes Janos Xantus et Miklos Jancso font l’Etat des lieux du cinéma hongrois dans une cave de Pécs, Hongrie, 2005, capture d’écran, archives personnelles de Fabienne Issartel, tous droits réservés

Lire aussi mon article précédent « Voyage en mitteleuropa » qui présente les premiers repérages de mon prochain film et notamment le personnage Paolo Rumiz, écrivain voyageur de Trieste, un grand européen d’aujourd’hui à écouter dans RUSHES N° 5.

« VOYAGE EN MITTELEUROPA » : LES PREMIERS REPERAGES DE MON FILM ET UNE VIDEO INEDITE DES RUSHES DE TRAVAIL TOURNES A TRIESTE AVEC PAOLO RUMIZ

 

« VOYAGE EN MITTELEUROPA » : LES PREMIERS REPERAGES DE MON FILM ET UNE VIDEO INEDITE DES RUSHES DE TRAVAIL TOURNES A TRIESTE AVEC PAOLO RUMIZ

 

UNE VIDEO à VOIR ICI :

Des extraits de MES RUSHES DE REPERAGE REALISES AVEC PAOLO RUMIZ

RUSHES N°5 de Fabienne IssartelPaolo Rumiz et l’esprit de l’Europe, 27′, 2019

« Les écrivains doivent savoir salir leurs souliers »

à voir sur Youtube :

 

Ou ici sur vimeo :

https://vimeo.com/360511676

Dans cet entretien inédit, un document de travail réalisé à Trieste en mai 2019, l’écrivain Paolo Rumiz explique pourquoi les écrivains ne doivent pas se taire et quel rôle politique ils ont à jouer au travers de leur littérature. Pour Paolo Rumiz, écrivain voyageur, il s’agit d’abord de « savoir salir ses souliers », d’aller rencontrer les gens là où les choses ne vont pas bien et où personne ne veut se rendre : dans les confins et les banlieues oubliées de l’Europe. L’écrivain voyageur exprime ici avec détermination, force et simplicité les raisons et les formes que doit prendre son engagement dans sa littérature et aussi auprès de l’orchestre des jeunes européens ESYO auquel il a donné sa voix.

Tourné à Trieste le 25 mai 2019. Image & montage : Fabienne Issartel – Avec l’aimable autorisation de Paolo Rumiz

 

Etre un écrivain voyageur

 » Entre la terre et l’homme il y a nos souliers. C’est pour cela qu’ il faut savoir les choisir avec soin. Avoir de bonnes chaussures est surement plus important que de remplir un carnet de voyage. Un homme qui marche bien est un homme qui sait bien raconter des histoires. » Paolo Rumiz

Un article du Figaro : 

« Paolo Rumiz veut faire aimer l’Europe grâce à la culture » 

PDF de l’article « Italie: Paolo Rumiz veut faire aimer l’Europe grâce à la culture » 

 

Portrait of Paolo Rumiz 25/05/2015 ©Philippe MATSAS/Opale/Leemage

« C’est le long de la frontière extérieure de l’Europe » dit-il,

« que l’on peut écouter battre fort le coeur du Vieux Continent,

que l’on ressent la profondeur de son âme. » 

Sa « Mitteleuropa » est celle des confins.

Des repérages pour réfléchir

et premières décisions…

Pendant le moment des élections européennes, fin mai, j’étais donc à Trieste et à Ljubljana pour humer l’air et élaborer mes choix de réalisation pour ce film dont le nom provisoire est « Voyage en Mitteleuropa ». La Mitteleuropa est ce pays imaginaire inventé par des artistes et des intellectuels européens engagés et qui a pris selon les époques différentes formes depuis le début du vingtième siècle. Même si ce terme désigne le milieu de l’Europe, c’est avant tout un état d’esprit d’ouverture qui peut être partagé par tous. J’ai été parler de tout cela avec les triestins Boris Pahor, Claudio Magris et Paolo Rumiz. En Slovénie, j’ai rencontré Drago Jancar, Katarina Marinčič, Agata Tomažič et le poète Boris A. Novak. Ces discussions préliminaires avec mes héros me permettent maintenant d’envisager les circonvolutions des cheminements de ce « Voyage en Mitteleuropa », ses paysages et ses lignes de force. 

 

 

Paolo Rumiz récite ses textes sur l'Europe avec l'Orchestre ESYO

Paolo Rumiz récite ses textes sur l’Europe avec l’Orchestre ESYO

L’orchestre ESYO et Paolo Rumiz

seront au centre de ce film !

Il m’apparaît maintenant clairement que le film « Voyage en Mitteleuropa » doit s’articuler d’abord autour d’une tournée de l’Orchestre ESYO et la parole de Paolo Rumiz. D’autres écrivains mittel-européens viendront en contrepoint donner résonance à cet axe central entre la parole des plus jeunes et des aînés, entre la musique et la littérature. Un film qui dira la teneur de l’avenir de l’Europe et qui promet littéralement « de sonner » comme une lueur d’espoir d’une cohésion possible entre les peuples et les nations de notre vieux continent. 

Ci-dessous voilà quelques précisions à propos de l’Orchestre ESYO et une bio de Paolo Rumiz, personnages principaux de ce film et qui constitueront la colonne vertébrale de sa structure.

Qu’est-ce que le « European Spirit of Youth

Orchestra – ESYO » ?

 

Paolo Rumiz donne sa voix à l'Orchestre ESYO

Paolo Rumiz donne sa voix à l’Orchestre ESYO

 

Le « European Spirit of Youth Orchestra – ESYO », est un ensemble international des meilleurs jeunes musiciens de toute l’Europe dirigé par Igor Coretti Kuret, violoniste et chef d’orchestre de renommée internationale (né à Trieste en 1958), accompagné par la voix narrative de l’écrivain Paolo Rumiz. En réinterprétant le mythe fondateur de notre continent dans une perspective contemporaine, l’orchestre s’attache à promouvoir la culture et l’identité européennes par la musique. En vingt ans d’activité ininterrompue, l’orchestre symphonique par son excellence, sa créativité, son optimisme, son orientation vers l’avenir a fait ses preuves : proposer un environnement stimulant sur le plan intellectuel en présentant au plus grand nombre la possibilité d’un esprit de coopération européen entre les peuples et les nations. Depuis 1994 plus de 2.500 jeunes musiciens, 4.000 professeurs de musique et une cinquantaine de musiciens professionnels remarquables ont fait partie de cette aventure venant d’Albanie, d’Autriche, de Biélorussie, de Bosnie-Herzégovine, de Bulgarie, de Croatie, d’Estonie, Hongrie, Italie, Macédoine, Moldavie, Monténégro, Pologne, Roumanie, Russie, Serbie, Slovaquie, Slovénie, Suède et Ukraine.

Actuellement directeur musical du Chicago Symphony Orchestra, Riccardo Muti est régulièrement « le chef invité » du « European Spirit of Youth Orchestra ». On lui doit aussi en 2004 la création du « Luigi Cherubini Youth Orchestra », composé de jeunes musiciens talentueux de toute l’Italie.

C’est à Manchester en 1988 qu’ Igor Coretti Kuret parle pour la première fois de son projet d’un orchestre européen multiculturel à Yehudi Menuhin très enthousiaste. À l’été 1989, alors que le mur de Berlin est encore debout, nait la toute première école pour jeunes musiciens de différents pays européens, qui deviendra bientôt l’ESYO. Avec Paolo Rumiz co-fondateur du projet « Tamburi di Pace », il assure actuellement une tournée de concerts dans toute l’Europe. Paolo Rumiz, en position de récitant, lit de ses propres écrits et notamment des passages de son livre «Comme des chevaux qui dorment debout », un voyage sur le front est de la première guerre mondiale où sont décédés tant de jeunes hommes du Trentin et de la région du Frioul-Vénétie-Julienne : des soldats qui se battaient pour l’Autriche-Hongrie et qui sont revenus chez eux avec l’uniforme d’un pays qui n’existait déjà plus, démonstration concrète par l’histoire, de l’absurdité de la guerre…

Le programme de la tournée d’automne de l’Orchestre ESYO :

https://www.esyo.eu/concerts/autumn-tour/

QUI EST PAOLO RUMIZ ? Petite biographie.

 

Paolo Rumiz à l'époque de son voyage pour le livre "Aux frontières de l'Europe", sorti en France en 2011

Paolo Rumiz à l’époque de son voyage pour le livre « Aux frontières de l’Europe », sorti en France en 2011

 

Paolo Rumiz nait à Trieste le 20 décembre 1947, le jour où la région fut coupée en deux zones pour stopper l’appétit de Tito. Le même jour, mais soixante ans plus tard, les accords de Schengen abolissaient les frontières intérieures de l’Europe. Paolo Rumiz l’« écrivain voyageur » est aussi journaliste, spécialiste de l’Europe des Balkans et du Danube. Il a témoigné de la chute de la Hongrie, de la Roumanie communiste et de la montée des populismes en Europe. Il a couvert tous les conflits nés de l’éclatement de la Yougoslavie pour le quotidien la Repubblica. Il a reçu le « prix Hemingway » en 1993 pour ses textes sur le conflit en Bosnie. En 2008, il signe « L’Autre Europe, un voyage avec Paolo Rumiz », une série de chroniques européennes passionnantes dans La Repubblica. « Le phare, voyage immobile » a reçu le Prix Nicolas Bouvier en 2015 au festival Étonnants Voyageurs. Dans « Aux Frontières de l’Europe » (éd. Hoëbeke 2011), il raconte son périple à travers l’Europe, jusqu’aux confins de ses nouvelles frontières extérieures : un voyage nord-sud de 6000 kilomètres de la Laponie finlandaise à la mer Noire. Dans « la légende des montagnes qui naviguent » (2017, Artaud), il nous fait découvrir des vallées, des gares, des refuges et des cavernes improbables, le long d’un périple de huit mille kilomètres au fil des Alpes et des Apennins. La “Reine du Silence » (novembre 2017, La Nave di Teseo) est une réflexion sur la musique qui fédère. Dans son bouleversant “Comme des chevaux qui dorment debout”, il nous entraine dans les terres glacées de Galicie où son grand-père, officier triestin a combattu pendant la grande guerre. Son dernier livre « APPIA » a été sélectionné dans la liste « romans étrangers » du prix Fémina qui sera remis le 5 novembre.

 

Appia, le dernier livre de Paolo Rumiz sorti le 28 août chez Artaud

« Appia » le dernier livre de Paolo Rumiz, sorti le 28 août chez Artaud a été

sélectionné sur la liste du prix Fémina, dans la catégorie romans étrangers.

Le lauréat sera connu le 5 novembre.

« … Ce voyage a été le plus terre à terre et en même temps le plus visionnaire de tous ceux que j’ai faits. Tandis que le poids de mon sac à dos m’ancrait fermement au sol, ma tête vagabondait parmi les nuages, à la manière d’un cerf-volant, et en même temps la bonne chère méditerranéenne provoquait d’appétissants courts-circuits avec l’Histoire. » Paolo Rumiz

Revoir Paolo Rumiz sur Arte évoquant APPIA

dans l’émission « 28 minutes » du 12 septembre 2019

 

 

La presse parle du voyage sur la via Appia de Paolo Rumiz

Paolo Rumiz dans « le Monde » sept 2019

Un article dans un magazine allemand :

Le voyage de la via Appia de Paolo Rumiz raconté ici en langue allemande accompagné de photos en situation

« Le milieu n’est pas toujours là où l’attend »

« Telle crête, tel chemin, telle clairière ou forêt, là-bas sur la ligne d’horizon, en disent plus long sur les luttes des peuples que les places des capitales. Le milieu n’est pas là où on l’attend, mais dans cet entre-deux, dans ces espaces creux qui, de mémoires d’homme, ont justifié les plus féroces sacrifices, et qui dans le même mouvement, ont permis à des cultures multiples de se côtoyer. Que de récits, d’histoires singulières ils ont fait naître. Ils sont le lieu rêvé de la littérature, de sa fiction tragique, où la mémoire peut devenir pourtant ouverture, l’identité enrichissement et le voyage étrangement intime. »

Fabienne Issartel

« L’Education Européenne »

Sur les conseils de l’écrivain Paolo Rumiz, j’avais relu avant mon départ pour Trieste et avec le plus grand intérêt  « L’Education Européenne », tout premier livre de Romain Gary. « Quel est la différence entre patriotisme et de nationalisme ? » demande le héros Janek à Dobranski. 

Voici sa réponse ci-dessous en page 246 du roman in Folio.

La couverture du premier roman de Romain Gary, "l'Education européenne" paraît pour la première fois en 1945 (ici en FOLIO 2018)

« l’Education européenne » paraît  en 1945 (FOLIO 2018)

Page 246 du premier roman de Romain Gary, "l'Education européenne" paraît pour la première fois en 1945 (ici en FOLIO 2018)

Page 246 du premier roman de Romain Gary, « l’Education européenne », 1945

 

Lire. Romain Gary dans « EN ATTENDANT NADEAU » du 4 juin 2019 :

« Romain Gary, écrivain de frontière », un article de Jean-Pierre Salgas. https://www.en-attendant-nadeau.fr/2019/06/04/romain-gary-ecrivain-frontiere/

Intentions générales du film 

 

« Un mouvement se dessine en Europe Centrale autour d’écrivains voulant opposer aux récits arrangés et simplifiés des états nationaux dits « populistes”, leurs propres récits littéraires mais documentés, où s’entremêlent la grande et la petite histoire de notre espace européen morcellé et complexe. Ils oeuvrent avec leurs mots à mettre à jour les blessures toujours ouvertes d’un continent dessiné par les lois des vainqueurs pour que l’Europe se reconstruisent un jour plus harmonieusement dans l’ouverture et autour d’enjeux culturels. Le combat contre l’ignorance n’est-il pas le meilleur moyen pour repenser les questions d’identité de façon positive ? Cette forme d’engagement littéraire ne veut pas se substituer au politique, mais l’accompagner et l’inspirer. « La littérature sera une voix contre les mensonges de l’histoire et les dénis de réalité », ont déclaré en mai 2018 les écrivains invités au festival “Stefan Zweig” de Salzburg : “à une époque où les survivants de l’Holocauste sont en train de disparaître, peu importe ce que la littérature peut faire et si les mots ne suffisent pas. Mais cet échec ne nous condamne pas au silence, car l’art, s’il ne peut pas soulager la douleur, sait néanmoins expliciter le cri « .

 

 

Les écrivains Claudio Magris, Drago Jancar et Boris Pahor après une conférence au musée Revoltella en 2009 à Trieste

Des écrivains et des lecteurs

Tous les écrivains qui apparaitront dans ce film revendiquent la richesse du dialogue qui s’installe inévitablement avec leurs lecteurs, invités à entrer avec eux dans “ce partenariat critique”, dont parlait si bien Max Frisch en 1958 dans son texte intitulé “Le Public comme partenaire”.

 

 

Quand Max Frisch reçoit le Prix Büchner en 1958, son discours de réception est un bel hommage aux émigrants que la Suisse a hébergés, Lénine, Musil, Brecht, et avant eux, le jeune Büchner, qu’il cite ainsi : «Le sentiment de la vie dans ce qui a été créé l’emporte sur la beauté ou la laideur et forme l’unique critère en matière d’art.»

 

« Pire que le bruit des bottes,

le silence des pantoufles… »

Max Frisch, dans « Biedermann et les incendiaires », 1953 – 1958

 

L’ouvrage “Le Public comme partenaire” réunit deux textes et des discours où l’écrivain revient sur ses prises de positions engagées qui l’ont amené à quitter son pays, la Suisse, à plusieurs reprises. A l’occasion de la Fête nationale suisse en 1957, il s’interroge sur le sentiment patriotique : « Nous sommes libres… mais faites usage de cette liberté, de pensée et d’expression… parce qu’elle appartient aux choses qui rouillent très vite et irrémédiablement lorsqu’on ne s’en sert pas». Il sait qu’il a un rôle à jouer dans l’opinion, bien que cette responsabilité lui pèse: «Il faut soudain avoir quelque chose à dire parce qu’on est un écrivain…» Un rôle de maître à penser qu’il assumera néanmoins dès que cela sera nécessaire.

La musique des langues :

Ainsi plusieurs personnages « lecteurs », qui pourraient être choisis parmi les jeunes musiciens de l’Orchestre Esyo, donneront chair à ce film avec des textes lus à haute voix, où l’on pourra goûter aussi la diversité de la musique des langues européennes.

Autres écrivains du film :

CLAUDIO MAGRIS

L’écrivain nobélisable de Trieste Claudio Magris a théorisé dans plusieurs de ses livres cet esprit « mitteleuropéen ». Il évoquera justement Max Frisch qui fut son ami. Il nous racontera aussi comment et en quoi cette Mitteleuropa qui a été la sienne est en train de changer de visage. Il est retourné récemment à Gdansk pour découvrir « le musée de la guerre ». Il nous parlera de ce voyage et de l’atmosphère de la Pologne d’aujourd’hui si radicalement différente de celle qu’il a connue durant les épisodes de Solidarność avec les intellectuels polonais dans les années 80. 

L'écrivain Claudio Magris au café San Marco, Trieste, mai 2019, photo Fabienne Issartel

L’écrivain Claudio Magris au café San Marco, Trieste, mai 2019, photo Fabienne Issartel

 

Claudio Magris :

« Maintenant il y a la guerre partout et tout le monde se bat contre tout le monde, sans qu’on ne sache vraiment contre qui. On est dans moment historique qui s’apparente à une fragmentation colloïdale, (un « processus de division ou de différenciation de ce qui, antérieurement, était uni ou homogène »), un état intermédiaire entre des matières liquides et des matières molles, qui s’élargit, se rétrécit, enveloppe tout et change continuellement d’apparence. Et pour la première fois, on a l’impression que l’humanité a perdu l’idée d’espoir et d’avenir, qu’il n’y a plus l’idée que nous pouvons améliorer et corriger le monde. Je pense que c’est très sérieux. Sans l’idée que le monde peut être amélioré, sans un peu d’esprit prophétique et messianique, traduit en termes rationnels et politiques, les choses ne fonctionnent pas. »

BORIS PAHOR

 

L’écrivain Boris Pahor au travail à Trieste en 2009, capture d’écran du film « Boris Pahor, portrait d’un homme libre »

« L’Europe nous est précieuse, car l’histoire dans

toute sa noirceur pourrait bien refaire surface »

Boris Pahor, 106 ans, sera aussi présent dans ce film. La parole de ce survivant que je connais bien, né en 1913 dans Trieste austro-hongroise, est de façon troublante toujours d’une brûlante actualité. Comment Boris Pahor – 106 ans ce 26 août 2019 – et qui a dit trois fois non aux dictatures, fascistes, nazies et communistes, peut-il supporter aujourd’hui le retour en Europe de régimes autoritaires, les murs qui s’élèvent à nouveau partout et jusqu’aux frontières même de la Slovénie ? La résurgence d’un racisme « ordinaire » le fait s’écrier : « mais alors tous ces millions de morts, ils sont morts pour rien, non ? »

Ici

Ecoutez le discours de Boris Pahor au Parlement Européen en 2013.

Réalisation Fabienne Issartel avec Guylène Brunet à la caméra.

Quelques extraits de ce discours ont été intégrés au montage de mon documentaire

« Boris Pahor, portrait d’un homme libre ».

https://vimeo.com/77903018

 

UN NOUVEAU LIVRE ET UN ARTICLE parlent de Boris Pahor

“Et si c’était à refaire, Chemins de Boris Pahor”,

Editions Pierre-Guillaume De Roux, est disponible depuis le 30 mai 2019.

Et si c'était à refaire, chemins de Boris Pahor sortira ce 30 mai 2019
Et si c’était à refaire, chemins de Boris Pahor sortira ce 30 mai 2019

Ce livre rend hommage à l’esprit de résistance de Boris Pahor et rassemble de nombreuses contributions dont les plus célèbres sont signées Guy Fontaine, René de Ceccatty, Claudio Magris et Stéphane Hessel (entretien inédit avec Boris Pahor). Le recueil contient aussi trois nouvelles de l’auteur : « Le Berceau du monde, Mirage chez Hadès et Vol brisé ». Ce livre donne toutes les clés à ceux qui désirent découvrir le doyen de la littérature européenne.

Le jeudi 23 mai, le Figaro Littéraire lui consacrait sa UNE.

L’article en PDF ici : 

Boris Pahor dans le Figaro littéraire du 23 mai 2019

 

Trieste, mai 2019

à Trieste, mai 2019. J’entends le bruit des mouettes en prenant un premier café.

QU’EST-CE QUE LA MITTELEUROPA ?

Un petit résumé.

« Voyage en Mitteleuropa » est le titre provisoire de mon prochain film. Cette notion de « Mitteleuropa » est entrée dans ma vie personnelle à la fin des années 70 avec Kundera, Wenders, Peter Handke ou Claudio Magris, a accompagnée et enrichie l’esprit de mes nombreux voyages à l’époque derrière le rideau de fer… Ce mot allemand qui, littéralement, pourrait être traduit par « Europe du milieu », évoque bien plus évidemment qu’un simple lieu géographique.

C’est après la deuxième guerre mondiale, quand il a fallu rendre à l’Autriche sa pleine légitimité, y compris culturelle, que ce concept de « Mitteleuropa » permit aux écrivains de trouver refuge dans une littérature autrichienne spécifique, qui avait sombré dans des sentiments nostalgiques depuis la fin de l’Autriche-Hongrie en 1918. Dans les années 60, cet héritage culturel et historique commun s’élargit à l’Italie, l’Autriche, la Hongrie, la Tchécoslovaquie, mais aussi à la Yougoslavie et les slaves du sud ».

« Ne pensez pas que vous êtes seulement les membres de votre peuple », dit le romancier hongrois dissident György Konrad aux intellectuels serbes, « mais aussi, que pour trouver le chemin de l’Europe, il nous faut devenir des citoyens de la Mitteleuropa. »

La Mitteleuropa est un espace imaginaire flou parce qu’ouvert et qui saurait rassembler les européens autour d’une certaine vision de la culture. La Mitteleuropa est aussi pour moi cette utopie de la possibilité d’une réconciliation nécessaire entre l’Est et l’Ouest de l’Europe : « Un milieu » comme moteur du tout !

« L’Europe centrale n’est pas ressentie comme un conglomérat d’États qui furent jadis unis sous la domination de Vienne, mais comme un rapport déterminé entre la société et la créativité, entre l’individualité artistique et une pensée authentique et humaniste qui échappe à toute contrainte. On ne devient pas citoyen de la Mitteleuropa du seul fait que l’on est né dans cet espace, mais parce qu’on s’efforce d’atteindre un espace intellectuel déterminé », écrit le croate Borislav Pekic (dans « Pisma iz tudjine : Lettres de l’étranger », 1987, Zagreb).

Je crois que c’est une assez bonne vision des choses.

Kundera constatait déjà en 1983 que « Le cœur de l’Europe est aujourd’hui loin du corps », que notre occident est en train de perdre le sens de son identité culturelle. La culture n’y est plus ressentie comme une valeur alors que cet idéal commun, celui qui a permis à plusieurs peuples pendant si longtemps de se comprendre, de se définir et de s’identifier, était la raison d’être des petits pays de l’Europe centrale (dans « Un Occident kidnappé ou la tragédie de l’Europe centrale », 1983). Pour Kundera, la démocratie est menacée quand la cause de la nation se sépare de celle de la liberté.

« Nous avons fait l’Europe mais nous n’avons pas fait les Européens », déclare Pierre Hassner (chercheur au CERI, Centre Européen des Relations Internationales à Paris). C’est que la défense d’une identité nationale ou d’une identité européenne n’est plus aujourd’hui accompagnée d’un discours sur les droits de l’homme comme c’était encore le cas en 89 !

Zoran Djindjić, dirigeant d’un parti d’opposition en Serbie, parlait de ce dangereux clivage entre les deux Europe : « Je crois pouvoir dire que le chemin menant de l’Europe de l’Est à l’Europe de l’Ouest passe inéluctablement par la Mitteleuropa. La Mitteleuropa paraît être pour l’instant une sorte de purgatoire. Il faut le traverser pour se débarrasser de tous les décombres de l’Est qui pèsent sur nos épaules, avant de pouvoir nous plonger dans les délices de l’Ouest. Car, en l’état actuel des choses, il semble que toutes les ambitions convergent pour donner à l’Europe en général la forme d’une Europe de l’Ouest. La Mitteleuropa n’est donc qu’une métaphore pour le seul transit vers l’Europe de l’Ouest ».

L’écrivain slovène Drago Jancar formule le paysage de l’idée slovène de la Mitteleuropa dans son article « Terra incognita » (« Wiener Journal »,1986). La Slovénie y est présenté comme « une idylle littéraire et la terre promise des écrivains ».

La même année Peter Handke écrit « Die Wiederholung » (« le recommencement »), autre texte fondateur slovène – sa mère était slovène de Carinthie – où le besoin d’appartenance s’opère par la réappropriation consciente de la langue du monde de l’enfance. Il invente la notion de « Kindschaft », un mot qui inclut à la fois « l’enfance » (Kindheit) associé à la dimension du « paysage » (Landschaft). « Coupé de notre langue maternelle, peut-on réellement penser, restituer la sensualité des paysages, voir l’horizon, être, tout simplement ? » Boris Pahor parle aussi de la même chose quand il déclare : « je me suis découvert moi-même en me réappropriant dans ma langue mon pays : le karst, la mer, les bateaux, le pays où je vivais… ».

Après la guerre de Yougoslavie Claudio Magris et Peter Handke ressuscitent dans leurs textes l’esprit de ces espaces frontaliers de nations nées sur le territoire « kakanien » et marqués par l’expérience de la dislocation et du déracinement. La Kakanie était une invention de l’écrivain autrichien Robert Musil dans l’Homme sans qualité (Der Mann ohne Eigenschaften, 1930-1932) et désignait la double monarchie austro-hongroise : K und K (Kaiserlich und Königlich, impériale et royale).

Mais « Si l’on considérait la Mitteleuropa comme l’espace intellectuel de la seule culture austro-hongroise », écrit le poète serbe Slobodan Selenic, « ne lui manquerait-il pas l’expérience classique immédiate de la Grèce, le populisme antiféodal des officiers de Cromwell et surtout l’esprit de la Révolution française ?

Dans les moments de régression que l’on est en train de vivre où les populismes refont surface, particulièrement au centre de l’Europe, les écrivains cherchent le sens que peut prendre aujourd’hui l’idée d’un engagement en littérature, réfléchissent de nouveau à ce qui les réunit au lieu de les diviser. L’esprit de la Mitteleuropa se réveille. 

Chaque fois qu’il y aura des hommes capables de nous faire imaginer les chemins vers un monde lumineux et riche, qui sauront inventer ce que nous devrions être, la noirceur s’estompera et le cœur de l’Europe se remettra à battre.  

 

Setnica, non loin de Ljubljana en Slovénie, juin 2019

 

« L’Europe, avant d’être une alliance militaire ou une

entité économique, doit être une communauté

culturelle dans le sens le plus élevé de ce terme »

Robert Schuman, dans « Pour l’Europe », 1963.

 

 

 

 

Tagué ,

Boris Pahor a eu 106 ans le lundi 26 août !

Boris Pahor ce 24 mai 2019, sort de la tente d’Hérodote où il a tenu une conférence de deux heures “Une vie à travers le vingtième siècle” dans le cadre du festival èstoria de Goricia. Alessandro Mezzena Lona, journaliste triestin et Véra, sa formidable gouvernante sont à ses côtés…

Boris Pahor ce 24 mai 2019, sortait de la tente d’Hérodote du Festival èstoria de Goricia où il venait de tenir une conférence de deux heures ayant pour thème “une vie à travers le vingtième siècle” .  Alessandro Mezzena Lona, journaliste triestin médiateur de la rencontre et Véra, sa formidable gouvernante aident Boris à regagner sa voiture…

Ce lundi 26 août 2019, l’écrivain Boris Pahor a 106 ans. Certains articles mentionnent le secret qui d’après lui serait garant de sa longévité : « des cafés quotidiens, oui bien sûr, mais avec du sucre » !

Sur France Info  :

https://www.francetvinfo.fr/culture/livres/l-ecrivain-italien-boris-pahor-ancien-deporte-est-a-106-ans-le-doyen-de-la-litterature-mondiale_3591613.html

Boris Pahor ne se lasse jamais de témoigner et il l’a fait à nouveau ce lundi 26 août pour ses 106 ans. Une rencontre s’est tenue dans la grande librairie du centre de Ljubljana et une petite fête en fin d’après-midi a été imaginée pour lui rendre hommage place Oberdan à Trieste.

Le message qu’il a lancé ces jours-ci est clair :

« L’Europe nous est précieuse, car l’histoire dans

toute sa noirceur pourrait bien refaire surface »

La fête piazza Oberdan :

Une fête a été organisée pour son anniversaire sur la Piazza Oberdan par le Comité pour la paix et la solidarité Danilo Dolci et l’Organisation italienne pour la connaissance de la langue et de la culture slovène.

Au programme, quelques lectures de son livre « Piazza Oberdan » et un toast à sa santé devant la fontaine où l’on peut voir actuellement  l’installation  « Cantico dei cantici » de Marcello Mascherini, dédiée aux « amoureux », rappelant la mort de Pino Robusti à vingt ans au camp de la Risiera (Trieste). 

En cas de mauvais temps, l’événement devait se dérouler sous les arcades de la Piazza Oberdan où Pahor a été emprisonné et interrogé par les nazis en tant qu’antifasciste, avant d’être transféré à Auschwitz en 1943. 

Mais non : il a fait beau !

Piazza Oberdan à Trieste, mai 2019. Tout près des arcades qui abritaient en 43 le siège de la Gestapo, l'arrêt des bus 42 et 44 qui vont vers Prosek et la maison de Boris Pahor.

Piazza Oberdan à Trieste, mai 2019. Tout près des arcades qui abritaient en 43 le siège de la Gestapo, l’arrêt des bus 42 et 44 qui vont vers Prosek et la maison de Boris Pahor.

Voilà l’article en italien que le Piccolo de Trieste du 26 août a consacré à Boris Pahor et au programme des festivités de son anniversaire ! 

 

Le Piccolo de Trieste du 26 août 2019 fête l'anniversaire des 106 ans de Boris Pahor Version 2

Le Piccolo de Trieste du 26 août 2019 fête l’anniversaire des 106 ans de Boris Pahor

 

Ici les dernières photos de Boris Pahor réalisées ce 26 août dans la grande librairie de Ljubljana lors d’une rencontre préparée par la Mladinska Knjiga et la maison d’édition Cankar.

https://siol.net/trendi/kultura/pisatelj-boris-pahor-praznuje-106-rojstni-dan-505553

Le moment d’hommage piazza Oberdan :

 

place Oberdan, une lecture pour Boris Pahor, Trieste 26 août, vers 18 h 30

Place Oberdan, une lecture pour Boris Pahor, Trieste 26 août, vers 18 h 30

 

UN NOUVEAU LIVRE ET UN ARTICLE parlent de Boris Pahor

“Et si c’était à refaire, Chemins de Boris Pahor”,

Editions Pierre-Guillaume De Roux, est disponible depuis le 30 mai 2019.

Et si c'était à refaire, chemins de Boris Pahor sortira ce 30 mai 2019
Et si c’était à refaire, chemins de Boris Pahor sortira ce 30 mai 2019

Ce livre rend hommage à l’esprit de résistance de Boris Pahor et rassemble de nombreuses contributions dont les plus célèbres sont signées Guy Fontaine, René de Ceccatty, Claudio Magris et Stéphane Hessel (entretien inédit avec Boris Pahor). Le recueil contient aussi trois nouvelles de l’auteur : « Le Berceau du monde, Mirage chez Hadès et Vol brisé ».

Emouvant pour ceux qui connaissent bien Boris, ce petit livre donne aussi toutes les clés à ceux qui désirent le découvrir.

Le jeudi 23 mai, le Figaro Littéraire lui consacrait sa UNE.

L’article en PDF ici : 

Boris Pahor dans le Figaro littéraire du 23 mai 2019

Trieste, mai 2019

à Trieste, mai 2019. J’entends le bruit des mouettes en prenant un premier café.

LE KARST, LA MER ET LA VILLE DE BORIS PAHOR par Christophe Solioz | jeudi 15 août 2019

Cliquer pour accéder à pahor_solioz.pdf

Un beau texte écrit pour l’anniversaire de Boris Pahor par Christophe Solioz et publié dans le Courrier des Balkans. 

Christophe Solioz, politologue et philosophe, enseigne la philosophie et la littérature allemande au Collège de Genève. Il avait emmené en avril 2019 une de ses classes de terminale à Trieste pour une rencontre très dense avec Boris Pahor.

 

Piazza Goldoni à Trieste le 26 mai 2019, jour des élections européennes. En arrière plan le siège historique du quotidien triestin le Piccolo.

Piazza Goldoni à Trieste le 26 mai 2019, jour des élections européennes. En arrière plan, le siège historique du quotidien triestin le Piccolo.

Le teaser de mon film

« Boris Pahor, portrait d’un homme libre »

 

 

Tagué , , , , , , , , , , , , , ,

Vous êtes venus nombreux à PRIORITE PIETON vendredi 12 avril 2019 dans le bar du Cirque Electrique pour assister au PERMIS D’EXHUMER de mes films-promenade. C’était beau ! Un bonus ici pour vous : le film « Où va le lapin ? » 1997.

 

Fabienne Issartel regarde ses spectateurs qui la regardent

Fabienne Issartel regarde ses spectateurs qui la regardent

 

En me donnant en quelque sorte un « permis d’exhumer » pour ces 4 films promenade des années 90, Hervé du Cirque Electrique nous a permis de partir tous ensemble dans une étrange promenade que je savais être aussi celle de la fin d’un cycle. Impression confuse. La magie de cette quadruple projection dans un même espace-temps rendait en tous cas soudain perceptible la cohérence d’une certaine vision du monde et aussi d’une époque. C’en était troublant. Car la soirée prit peu à peu son envol de façon autonome, s’épanouissant dans une nouvelle promenade live où les moments in et off des projections se mêlaient curieusement, où se fabriquait avec les spectateurs de ce moment béni une dernière oeuvre éphémère en direct. J’étais très émue d’observer toute cette énergie accompagner mes films vers leur autre vie. « Vous nous avez fait prendre conscience que le monde a changé. Tout cela n’est plus possible maintenant. Quel choc d’en prendre à nouveau conscience … Où allons nous, dans quel mur du fond ? » m’ont déclaré gravement plusieurs personnes. De mon côté pourtant j’étais fière de constater que ce miracle de convivialité libre pouvait justement toujours avoir lieu et de partager cela avec vous au Cirque Electrique, l’un des endroits parmi les plus poétiques de la capitale. Nostalgie, larmes et grands éclats de rire accompagnèrent ce rite. Deux jours plus tard je regardais hébétée les flammes qui consumaient le corps vivant de Notre-Dame dans la nuit. Notre coeur à tous filait vers le ciel. Je ne pouvais m’empêcher de relier les deux évènements, celui de ma projection et celui de l’incendie, comme le signe de l’exact moment où tout se remet à zéro et où l’on va à nouveau re-commencer à fabriquer une vie aussi belle, aussi libre et aussi conviviale que les précédentes. Car « pour prendre, il faut laisser quelque chose », dit mon amie Jake Je comprends chaque jour toujours plus ce qu’elle a voulu dire.

 

Fabienne Issartel sous la voute du Cirque Electrique le 12 avril 2019

Fabienne Issartel sous la voute du Cirque Electrique le 12 avril 2019

Pour la première fois dans une même soirée ces quatre films-promenade des années 90 de Fabienne Issartel pensés pour faire partie d’un même ensemble se sont enfin parlés dans un lieu digne de leur donner leur envol, celui vraiment unique du Cirque Electrique. Vous êtes venus nombreux partager le moment de 19 h à 24 h, Porte des Lilas, place du Maquis du Vercors. Merci à vous !
https://cirque-electrique.com/programmation/

 

4 films-promenade de Fabienne Issartel. De bas en Haut : Là-Haut sur la Montagne, Porte de Montempoivre, Etat de Siège, Printemps.

Les films-promenade :

Ni documentaires, ni fictions, ni reportages, les films-promenade de Fabienne Issartel mettent en scène des promeneurs non-acteurs circonscrivant de leurs pas des espaces de circulation parisiens : le canal Saint-Martin, la Seine, la ligne de bus 29 ou la rue de Ménilmontant. L’apparente futilité du quotidien est sous-tendue par l’idée du sens de la vie. – Qu’est-ce que la vie ? – La vie est une longue promenade. – Qu’est-ce qui nous pousse à avancer ? – L’étrange banalité. – Où allons-nous ? – Vers ce quelque part qui n’est peut-être nulle part ! Chacun de ces films autoproduits, tournés et montés en urgence, est un bout de la « GRANDE PROMENADE » dont le lieu est le personnage principal. L’esprit du lieu suffit à l’histoire.
Ces films expérimentaux tournés en une journée, voire une seule après-midi, et dans des formats vidéos anciens (U.Matic, vidéo 8…), ont donc été sauvés in-extremis grâce à cette soirée.

 

"Etat de siège" de Fabienne Issartel, capture d'écran

« Etat de siège » de Fabienne Issartel, capture d’écran

 

UN BONUS pour le nouveau monde : « Où va le lapin ? », 30′, 1997

En bonus, je laisse encore un petit quelque chose, ce « nouveau/dernier » film de 1997 exhumé lui aussi ces jours-ci : « Où va le lapin ? ». On y voit les auteurs Jean-Christophe Menu, David B, Matt Konture, Vincent Sardon et Lewis Trondheim, dessiner devant la caméra une des cases d’un strip qui conte la quête d’un lapin… Où va-t-il donc lui aussi, ce sacré lapin ?

“LAPIN” était à cette époque le nom de la revue de la plus iconoclaste des maisons d’édition de bandes dessinées françaises, fondée en mai 1990.

 

 

PRIORITE PIETON : Soirée déambulatoire décontractée et gaie !

C’était LE PROGRAMME : 

SUR UN MONITEUR à l’extérieur et pendant toute la soirée il y avait :
“Foule de gens des années 80”. 72 personnes des années 80 répondent en plan serré visage à 2 questions : De quoi avez-vous peur ? Qu’est-ce qui vous rend fier ?

SUR UN ECRAN dans le bar du Cirque Electrique les 4 films-promenade dans l’ordre chronologique de leurs tournages.

 

LES AFFICHES DES FILMS ET DES TEXTES ci-dessous :

. 2 textes à propos de « là-haut sur la montagne »

. Un texte de Pacôme Thiellement sur « Printemps », 

. Mon Manifeste du film-promenade rédigé dans les années 90.

 

Là-Haut sur la Montagne, un film de Fabienne Issartel

 

« Là -haut sur la montagne » (26’). Un homme remonte la rue de Ménilmontant en pénétrant dans chaque café rencontré sur sa route. Un film en forme de chemin de croix tourné en l’an 1992.

« j’ai trouvé Là-haut sur la montagne très réussi avec cette économie de moyens qui caractérise tous tes films sauvages. L’image post-VHS est finalement belle, presque vibrante et on est bien à divaguer avec Ernest en 1992. Le passage du temps rajoute du charme à ton film. Ce Paris là est bien loin maintenant », Stéphane Sinde, réalisateur.

DEUX TEXTES SUR CE FILM

TEXTE 1. Une métaphore des mystères de la mémoire,

par Jean-François Chaput, opérateur des prises de vues du film, 15 février 2018.

Jean-François Chaput, opérateur de prises de vues de "Là-haut sur la montagne", photo d'époque nature de "Foule de gens" (1986)

Jean-François Chaput, opérateur de prises de vues de « Là-haut sur la montagne », photo d’époque nature de « Foule de gens » (1986)

J’y étais sur ce tournage, puisque c’est moi qui ai fait l’image. Cette journée je l’ai vécue, entièrement. J’ai respiré le même air que les autres membres de l’équipe, j’ai échangé, ri, bu avec eux. J’ai écouté Fabienne, je l’ai vu travailler. J’ai gardé les yeux ouverts toute la journée, j’ai tout entendu, tout ressenti. Et pourtant je me souviens de si peu de choses.

Quel jour était-ce, quel mois, quelle année ? Vers 1990. Il ne faisait pas froid, pas très chaud non plus. Je me souviens du premier ou du deuxième café dans lequel nous tournons, en bas de la rue de Ménilmontant. C’est un plan sur Ernest, le personnage principal du film, il est assis sur un tabouret haut, accoudé au zinc du bar. Derrière lui, les portes vitrées du café donnent sur la rue, avec sa lumière blanche sans soleil et ses commerces. Je vois un homme surgir d’une boutique, il traverse la chaussée et semble venir droit sur moi. Il a une blouse de travail blanche et une barbe noire, il a l’air sévère, il marche vite, il entre dans le café. C’est bien vers moi qu’il avance ; il se plante à cinquante centimètres de mon visage, en colère : « Vous n’avez pas le droit de filmer les gens sans autorisation, c’est ma boutique, c’est privé. » Je vois sa boutique derrière, je n’y avais pas fait attention jusque-là. C’est une boucherie, la façade extérieure est ancienne, fraîchement repeinte de rouge vif, l’intérieur est tout blanc et fortement éclairé de néons blancs. Je lui explique que ce n’est pas sa boutique que nous filmons, mais un acteur, ici présent au premier plan. Il repart le sourcil froncé, pas content, pas convaincu.

Plus tard, nous sommes dans un autre café, Ernest est assis au comptoir devant un autre verre. Je le filme en gros plan, en contre-plongée. Je me dis que la lumière est faiblarde ; c’est un jour gris, et le café est sombre. Je me dis que ce serait bien d’avoir le temps d’éclairer mieux, je me demande ce qu’il aurait fallu faire pour bien éclairer ce plan. J’ai la caméra sur l’épaule, le plan dure longtemps, c’est lourd une Béta, des raideurs dans le bras commencent à se faire sentir, mais j’aime filmer. A la fin du plan, le photographe de plateau, me dit quelque chose comme : « C’est super, t’es resté stable pendant tout le plan. » Je suis bêtement flatté évidemment, quelqu’un a remarqué ce que je crois être mon style. Du coup je me souviens de son nom : Hervé Sellin, un grand maigre, les traits du visage aiguisés, avec des lunettes fines à montures noires, et un Leica greffé à la main qu’il vient coller devant son œil, dans un mouvement régulier comme une respiration.

Un autre bar plus haut. C’est un grand café, vitré sur toute sa longueur. La caméra est posée sur le comptoir, il est en métal couleur cuivre, et fait comme une long ruban doré où sont échoués différents personnages. Ça parle fort, le lieu est bruyant, je n’entends pas les dialogues. Fabienne court partout. J’aime la pratique du tournage-performance de Fabienne : se servir du cinéma pour faire pétiller la vie, épouser le mouvement du réel pour faire des films vivants. J’avais tourné peu avant un court film en une nuit, dans la rue, avec trois comédiens plongés dans le tourbillon de la nuit du 31 décembre au 1er janvier 1987. À l’époque nous faisions groupe avec Fabienne et Rodolphe Garabédian. Nous avons fait quelques films ensemble, nous partagions un désir et une vision du cinéma. Nous n’avons pas continué, nous nous sommes séparés, c’est dommage. Chacun est parti sur sa route solitaire. Nous ne pouvions pas faire autrement.

Le dernier trocson il me semble. La lumière du jour faiblie, les lampes du bar sont allumées, l’ambiance est jaune-orangée. Ernest commence à être vraiment bourré, ça se voit et ça s’entend. Les patrons sont sympas et souriants. On rigole, on boit tous un coup à la fin.

C’est la fin du tournage. Toute l’équipe stationne devant la cité du 104 rue de Ménilmontant avant de se séparer. Je tiens la caméra au bout de bras par sa poignée, comme une valise. Trois mômes sortis de je ne sais où, se glissent dans notre cercle ; ils sont agressifs. Ils ont quoi ? dix ans, douze ans ? ils sont petits mais hargneux. L’un des trois, le plus décidé, pénètre au centre de notre groupe : – « On veut pas de journalistes ici. » Il pose son pied sur la caméra et appuie brusquement deux trois fois dessus pour la faire tomber. J’accompagne le mouvement vers le bas pour éviter le choc, la caméra ne tombe pas. Hervé gueule : – « Et la liberté de la presse alors ? » Ça m’énerve un peu, parce qu’on n’est pas de la presse, on n’est pas des officiels, on est juste des individus comme eux, alors je dis : – « Et la liberté tout court, putain ! » Nous sommes tout de même nombreux. Ils s’en vont. Ils étaient trois mômes, nous étions six ou sept adultes et pourtant ils pouvaient avoir le dessus, parce qu’habités par une violence et une détermination qui nous est étrangère. Flippant.

Voilà tout ce dont je me souviens. Je n’ai jamais revu le film. Maintenant que Fabienne a numérisé Là-haut sur la montagne, je vais le redécouvrir, et je vais sans doute m’apercevoir que mes souvenirs, en plus d’être parcimonieux, sont inexacts.

15 mars 2018, après avoir revu le film (par JF. Chaput)

J’ai revu le film hier. Évidemment, c’est fait avec les moyens vidéos de l’époque, l’image serait meilleure aujourd’hui, mais qu’importe. Ce qui me frappe c’est l’aspect documentaire que prend le film avec les années. Plus de vingt-cinq ans ont passés… La plupart de ces bars ont été transformés, le quartier s’est renouvelé, embourgeoisé. La gentillesse d’Ernest, je l’avais oubliée ; elle crève l’écran. Il est tellement aérien, décalé et en même temps disponible, abordable, adorable, fragile. Et ces rencontres hasardeuses, ces visages que l’on ne voit plus, des types humains disparus. Et des vrais cafés avec toutes sortes de gens mélangés, pas cloisonnés en clans sociaux comme aujourd’hui. Merci Fabienne pour ce film. Aujourd’hui tu as affiné et affirmé ton style, mais il y souffle toujours le même air de liberté brave et joyeux que j’aime tellement.

 

Le photographe Hervé Sellin fabriquait à mesure les plans de coupe du film "Là-haut...". Ici la première image du film : Ernest Kerpen le héros du film, sort du métro Ménilmontant un vendredi saint

Le photographe Hervé Sellin a fabriqué à mesure les plans de coupe du film « Là-haut… ». Ici la première image du film : Ernest Kerpen le héros, sort du métro Ménilmontant un vendredi saint pour accomplir l’ascension de la rue de Ménilmuche…

 

TEXTE 2. « Là Haut sur la montagne » par Yves Tenret, écrivain, réalisateur, animateur de radio, mars 2019
(Yves Tenret : ses podcasts de Ma vie est un roman sur Aligre FM http://aligrefm.org/podcasts/la-vie-est-un-roman-155/1)

 

Loïc Connanski prépare la lecture publique du texte d'Yves Tenret sur le film "Là-haut sur la montagne", au Cirque Electrique le 12 avril 2019 dehors, pendant la projection du film

Loïc Connanski prépare la lecture publique du texte d’Yves Tenret sur le film « Là-haut sur la montagne », au Cirque Electrique le 12 avril 2019 dehors, pendant la projection du film

http://loic-connanski.blogspot.com/

 

Sage dérive ou dérive d’un sage ?

– Mon chemin de croix, dit-il.

– Dipsomanie, dis-je.

– Et la dérive promise, demande-t-elle ?

– Spontex foutraque, crache-t-il exaspéré.

Tout dérive de la dérive ! Passage hâtif à travers des ambiances variées. La dérive est le rêve en acte, sens et but du voyage. Tout dérive : les êtres, les plaques tectoniques, les continents. Se déplacer sans but ni projet. Bateau ivre. Métagraphie (il va pleuvoir). Flottement, vacillation, abandon de soi à ce qui vient. Se laisser porter par le courant des influences passagères. Viveurs, sans cap, sans limite, sans fin, sans but. Aller, passer, disparaître. Le temps Pax in hominibus bonae voluntatis. Tout s’écoule, tout passe. Sous le flux, rien ne se maintient, le flux est flux et le reste n’est rien si ce n’est inconscient à ciel ouvert, plaques tournantes, angles mouvants, perspectives fuyantes, petits bars oubliés… Nous nous sommes tant aimés !

Cet homme que tu vois, là, celui qui sort du métro. Condamné à mort, portant sa croix, qui tombe. Tu le vois ? Oui, cet homme, banal, insignifiant, quelconque, voire légèrement insipide, qui croise sa mère, Simon le compatissant et Véronique qui lui essuie le visage. Et bien, cet homme c’est moi. Tu me reconnais ? Seul dans Paris, je tombe, les femmes pleurent, je tombe. Ça ferait un bon titre de livre, Seul dans Paris, hein ? Un peu commun. Rien d’original. Prosaïque. Du déjà vu ? Ah, parce que tu le vois, toi, cet homme ? Dans les rues de Paris si tu le croises, tu ne le vois pas. Tu ne le remarques pas. Je marche dans les rues de la ville. Je deviens la ville. Je suis suivi par elle. On me dépouille de mes vêtements, on me cloue, je meurs. Enfin, ça, c’est que je me raconte parce qu’en fait je me déplace et n’attends nulle illumination. J’attends mais je ne sais pas ce que j’attends. J’attends que quelque chose se passe. Et je marche. J’avance à reculons. Tu pars d’un point A et tu te retrouves à un point B, B comme bistrot. Il y en a une dizaine ou deux sur le chemin. Entre A et B, ce sont des refrains. Ou des rengaines. Ça rythme le truc, tu vois. Ça crée des pauses, des suspensions. Pour ne pas perdre le fil. Comme dans les files d’attente. Dans le hall de la gare, les jours de grève. Plus de train. Plus de point de départ. Plus de déplacement. Le mouvement s’abîme et se replie sur lui-même. On se mord la queue. Va et vient. Dans ce hall de gare, tout est suspendu. On attend. J’attends et je me déplace de A en B. Des rues sortent de ma bouche essoufflée et se déversent en carte routière, en ponts, en tunnels, en caniveaux. Je les suis, je suis et me retrouve dans moi-même. Circulation organique et boyaux inextricables. Le retour du même mais pas tout à fait pareil, tu vois ? Tu manges et puis, enfin, je ne veux pas te le raconter, tu connais, non ?

Je ne me souviens plus de quand on a tourné ce putain de film, ni avec qui. Si ça se trouve ce n’était même pas un film… Commençons par là… dieu sait où cela va nous mener… sans se presser… y a l’heure qui se pointe et toi qui t’mousse et qui mousse… sacré moussaillon… ce n’est pas une armée… j’ai pensé colonne… mais ce n’est pas une armée… tes mots qui flânent en rangs dispersés… ce n’est pas ça non plus… tes chansons en chausson… ta narcose entre chien et loup… ça colle… enfin merde y doit y avoir un moyen pour le dire simplement… Oui, c’est ça… Tu t’es réveillé mal armé… tu ne sais pas ce qui t’arrive, on ne comprends plus rien à ce que tu dis, jamais un coup de dés n’abolira le hasard ! Au secours !!!

La vie d’artiste. Tombe, recommence, chante sous la pluie, tombe la neige, tu ne viendras pas ce soir, et mon cœur s’habille de noir, tout en larmes blanches, l’oiseau sur la branche, pleure le sortilège… C’est ton texte, tout est à toi, prends ce qui te plaît et rejette le reste… Moi, je cherche la chanson, la légende, le récit, la saga, la fille louve, la fille perdue, la fille paumée, ma petite lady qui attend le train de quinze quarante-trois au coin du quai là-bas, tout est à toi et rien n’est à moi…

La dérive. Je ne vois pas le mec qui marche, qui passe de bistrot de bistrot, – il y en avait 600 000, il n’en reste que 2 ou 3, – le mec qui a un sourire crispant. Je vois la gonzesse, celle qui mate, celle qui filme. Elle est la parfaite perdante qui, grâce à un génie propre, prend toujours la mauvaise décision. Chacune de ses tentatives de fuite rend les choses pires encore. Elle est donc celle dont la vie est ordinaire et, malgré cela, malgré tous ses renoncements, celle qui s’attire quand même des ennuis.  La vie sur un trampoline… Juste une menace, une tension, la sensation que quelque chose est imminent, qu’il y a un perpétuel mouvement et que ce mouvement est menaçant. Surtout ne pas savoir où on va, juste décrire, faire circuler la menace. Aller où les anges ne vont pas. Je suis la sœur et la mère, me murmure-elle, des frotteurs qui suent en se branlant sur le cul des clientes de chez Tati. Le bled, la démerde, l’amour des mutants, la voie rêveuse, le sentiment de l’étrangeté des choses, de celles qui se vendent, qui s’échangent mais des autres choses aussi. Sans aucune condescendance, juste bousiller son existence. Réviser ses ambitions à la baisse, s’assigner des limites. Adopter un ton plat, une énonciation timide et n’émettre que d’obstinées banalités. Nous vivons le temps de tout et de son contraire. Il n’y a plus de table permettant d’énoncer le vrai et le juste. Mais au moins, elle n’était pas prolétaire, cette femme, cette enfant rêveuse, qui ne réfléchit jamais aux conséquences incalculables de ses actes.

Raconte encore, lui demande le vieux. Mais la caméra la lâche brusquement et part vadrouiller à l’horizon. Ce n’est plus un texte mais une insurrection. Elle crache sur la distanciation et vise l’empathie totale. Une vitalité en forme de sauve qui peut… Explosif, hilarant, apaisant – m’a réconcilié avec moi-même… Hic ! Et nunc… Yves Tenret, mars 2019

Sur la scène du Cirque Electrique le 12 avril, Yves Tenret, Loïc Connanski et Fabienne Issartel

Sur la scène du Cirque Electrique le 12 avril, Yves Tenret, Loïk Connanski et Fabienne Issartel

Porte de Montempoivre, un film de Fabienne Issartel

 

« Porte de Montempoivre » (26’). Six histoires de rencontres au mois de juillet sur la plateforme arrière du bus 29 direction Porte de Montempoivre. La vie devient un roman le temps d’un trajet.

 

Patricia Moraz et son fils Mathias Rossier partagent un moment sur la plateforme du bus 29 dans "Porte de Montempoivre", film de Fabienne Issartel

Patricia Moraz et son fils Mathias Rossier partagent ici un moment sur la plateforme du bus 29 dans « Porte de Montempoivre », film de Fabienne Issartel

PATRICIA MORAZ est partie pour le grand voyage…

Je l’apprends. Tristesse.

Mon amie Patricia Moraz, réalisatrice, scénariste et productrice, qui avait participé au tournage de Porte de Montempoivre (ci-dessus) nous a quitté ce mardi 16 avril pendant l’incendie de Notre-Dame… Etrange.  

Née le 23 septembre 1939 à Sallanches en Haute-Savoie, elle avait donné notamment un de ses premiers rôles à Isabelle Huppert en 1977 dans son film « les Indiens sont encore loin », très remarqué à la Quinzaine des Réalisateurs cette année-là et devenu culte. Elle avait produit entre autre « Boy meets girl », le premier film de Léos Carax, co-produit « l’Argent » de Bresson, et participé à la fondation de la Fémis en 1986 où elle enseignait d’une façon toujours engagée l’art du scénario et de la production. C’était quelqu’un, comme on dit, qui vous poussait toujours vers la beauté et la poésie, qui donnait envie de croire dur comme fer que « le cinéma, c’est vraiment la vie ».

Bon voyage Patricia vers ce quelque part, qui n’est peut-être nulle part. Tu avances.

La Cérémonie d’adieu à Patricia Moraz aura lieu ce jeudi 25 avril au Crématorium du Père-Lachaise à 13 h 30.

 

 

Muriel Foures et Gérald Valmer Mulot dans « Etat de Siège », de Fabienne Issartel

 

“État de Siège” (20’). 14ème jour des grandes grèves de décembre 95. Plus de métros, plus de bus, plus de trains…C’est le blocus. Deux amis désoeuvrés en profitent pour aller faire un tour « à l’oeil » sur les bateaux-mouches mis au service des parisiens par la mairie.

 

Printemps, un film de Fabienne Issartel

 

“Printemps” (35’). Le long du canal St Martin en 1995 chacun marche vers son destin en rêvant aux promesses d’une nouvelle vie du printemps.

Tournage_Printemps_1996_A

Tournage de « Printemps », Laurent Charpentier filme Solveig Dommartin et Muriel Fourès le long du canal Saint-Martin, Paris, 1er juin 1996

 

TEXTE 3. « NOTRE CINEMA, FABIENNE ISSARTEL », par Pacôme Thiellement, mars 2017

 

Projection du documentaire de Fabienne Issartel CHACUN CHERCHE SON TRAIN au cinéma le CIN'HOCHE à Bagnolet, le 15 septembre 2016

L’essayiste et réalisateur Pacôme Thiellement, photographié ici en septembre 2016 par Arnaud Baumann, à l’occasion de la projection de « Chacun cherche son train »

“Printemps” d’abord, c’est de la musique. Un son incroyable : le saxophone soprano d’Akosh S dans une improvisation fiévreuse au bar L’Atmosphère un soir. Un son capable à lui seul de ressusciter immédiatement les années 90 à Paris si vous les avez vécues… A l’époque, on pouvait encore fumer dans les bars et ça se voit immédiatement : les gens sont intenses ; ils ont une ivresse joyeuse, amoureuse, lyrique. La cigarette, c’est l’innocence des poses cinématographiques. Jouer à fumer « comme les stars », faire semblant de savoir fumer jusqu’à qu’on fume vraiment. Jouer à vivre « comme les grands » jusqu’à comprendre que c’était ça, vivre, justement. Qu’il n’y avait rien de plus vivant que cette innocence, cette jeunesse.
 Printemps, ensuite, ce sont des hommes et des femmes qui parlent. Ils parlent d’amour bien sûr : de sexe, de beauté, de conneries, de vie future et de réincarnation. Ils s’étalent sur les pelouses. Ils dansent. Ils chantent même ! Mais surtout ils marchent. Ils marchent le long du canal Saint-Martin et le ciel est bleu. Fabienne Issartel, c’est le cinéma des poètes, des errants, des piétons de Paris. La marche, ce n’est pas l’innocence comme la cigarette ; mais c’est encore plus beau : c’est le début du nouveau monde, la victoire sur l’Enfer. C’est peut-être le sens du fragment énigmatique de Walter Benjamin : « Vaincre le capitalisme par la marche à pieds. » On n’a jamais vu un tyran, un affameur ou un businessman se promener.
 Dans “Printemps” on a l’impression de voir des hommes et des femmes libres. Ou plutôt on les voit en train de se libérer. De quoi se libèrent-ils ? De ce qui les détermine et de ce qui les entrave, de ce qui les sépare et de ce qui les enferme. Ils se libèrent de leur solitude ; ils se libèrent de leur prison. Fabienne Issartel, c’est le cinéma de l’amour qui circule entre les êtres. Et ils sont tous beaux, tous. Pourquoi ne le seraient-ils pas ? Puisque Fabienne Issartel les aime pour ce qu’ils sont, tous. Un peu comme Giacometti qui répétait à Genet : « Comme vous êtes beau ! Comme vous êtes beau ! » alors qu’il dessinait son portrait avant d’ajouter : « Comme tout le monde, hein ? Ni plus ni moins. » 
Jusque là, le cinéma n’a pas été fait pour nous. Il ne nous parlait pas, ne nous regardait pas : il nous tournait même le dos. Nous avons besoin d’un cinéma qui nous ressemble, un cinéma qui nous aime et qui nous le montre. Nous avons besoin d’un cinéma dans lequel on puisse marcher.
 “Printemps” ça date du milieu des années 90 et pourtant ça semble avoir été fait ce matin. Plus exactement, ça a été fait (vécu, tourné, monté) pour ce matin. Vingt ans ont passé qu’on a vécu les yeux fermés ou occupés d’autre chose. C’est maintenant, et maintenant seulement, que les films de Fabienne Issartel peuvent rayonner de leur poésie solaire, de leur lumière d’avant midi. 
Nous avons besoin du cinéma de Fabienne Issartel. Libre, ouvert, intense, au plus près de l’instant, aéré comme un jour de printemps : notre cinéma, ni plus ni moins. Pacôme Thiellement, mars 2017

 

4. MANIFESTE POUR LE FILM PROMENADE, printemps 1996

Voilà ci-dessous le texte que j’avais écrit à l’époque pour parler de ma démarche pour fabriquer mes films-promenade.

Fabienne Issartel par Hervé Sellin 1985_131228

Fabienne Issartel par Hervé Sellin 1985

MANIFESTE POUR LE FILM PROMENADE, printemps 1996

Filmer la vérité d’un évènement (reportage) à travers la trame d’un scénario (fiction), est une méthode de travail propre à créer un genre particulier : le reportage-fiction, que je préfère appeler « film promenade ». Ici, le mécanisme d’identification de la fiction oblige le spectateur à se remettre en question dans une vision active de la réalité. De toute façon pour moi, tout film est une fiction.

Plusieurs films fabriqués sur ce mode ont vu le jour. Pour chacun d’eux le lieu et la date de tournage sont bien spécifiques : la rue de Ménilmontant un vendredi saint, les bals des pompiers un 14 juillet, la plateforme du bus 29 pendant l’été, les bateaux-mouches pendant les grandes grèves de décembre, le canal Saint-Martin au printemps… Le lieu n’est jamais un décor en toile de fond pour servir une histoire, mais le « personnage principal » du film. La date du tournage va faire également partie intégrante du scénario. Lieu et date sont donc la base de départ du travail de construction du film.
Il faudra ensuite choisir des personnages ouverts et curieux pour leur adéquation, voire leur inadéquation avec l’esprit du lieu. Car c’est à travers leur yeux que nous allons découvrir en direct cet endroit de Paris, que nous allons vivre de fait un moment historique, même s’il ne se passe rien -parce que daté- comme si nous y étions.
Il n’y aura donc pas d’histoire à proprement parler si ce n’est celle de la promenade dans le lieu. L’histoire n’aura de sens que par le fait qu’elle sera celle d’un jour donné. Ce que la caméra cherchera à voir, c’est la transformation en direct qu’imprime peu à peu un paysage à l’intérieur de la tête d’un personnage qui chemine.
Quel est l’effet final recherché ? C’est simple : donner au spectateur l’impression qu’il est réellement en train de se promener, d’humer l’air, de jeter ce regard furtif aux hasards de ses déambulations sur les gens qu’il croise, et vivre des histoires ou alors rien du tout. Bref, cette sensation tendue et désirante inhérente à l’idée de se mettre en marche à un moment donné et qui se situe très exactement au point « érotique » où le rêve et la réalité intérieure du promeneur, vient croiser dans son cheminement le rêve et la réalité extérieure. Juste une sensation… Le film est là, dans cette réalité à la fois fabriquée et vécue du point érotique pur.

Dans un documentaire traditionnel, on s’attacherait à avoir une vision objective, donc la plus exhaustive possible du lieu à décrire. On reviendrait le filmer à des heures différentes de la journée et de la nuit. On chercherait à avoir du site une vision spatiale ainsi qu’une approche raisonnée des différents acteurs qui l’habitent. Une fiction classique, quant à elle, utiliserait plus ou moins le lieu comme simple décor au service d’une histoire.
Le reportage-fiction ou « film promenade » tel qu’il vient d’être défini ne veut se substituer ni à la fiction, ni au documentaire, ni même à ce genre qu’on appelle le « cinéma du réel ». Non. Chacun a sa place bien légitime avec son dosage de réalité, de fiction et de subjectivité. Chacun porte en filigrane son propre message éthico-métaphysique de la vie.
Alors quel est le mien ? Quel est le sens de la vie : ce fameux « meaning of life » qui en anglais ne veut d’ailleurs pas dire la même chose ? C’est la réponse à cette question qui justifie le choix d’un réalisateur pour l’un ou l’autre des genres. Il faut quelquefois créer un nouveau genre pour être en harmonie avec la réponse qu’on veut y apporter.
The meaning of life est pour moi le sens de la vie littéralement. Il est direction.

Dans un sens qui s’énonce en trois propositions :

1/ Qu’est-ce que la vie ? La vie est une longue promenade.
2/ Qu’est-ce qui nous pousse à avancer ? L’étrange banalité.
3/ Ou allons-nous ? Vers ce quelque part qui n’est peut-être nulle part.

UNE LONGUE PROMENADE

Chacun de mes films présente un bout de la grande promenade, promenade qui se déroule d’un film à l’autre, dans ce labyrinthe de circulation infini qu’est la ville, qu’est la vie. Longue, la promenade ne l’est sans doute jamais assez, mais elle justifie tout, en ce sens qu’elle m’apparaît comme la seule trame réelle de l’existence, déployant dans son cheminement une énergie métaphysique de la sueur. La promenade se déroule pas à pas vers sa fin, jusqu’à la dernière goutte. Fouler la terre debout avant d’y être enseveli couché : c’est sûrement aussi simple que ça !
Je caresse souvent le bitume avec la pomme de ma main à Paris et je me souviens de quelque chose… Desfois, je ne peux m’empêcher de m’allonger à même le trottoir et de rester là les yeux au ciel. Une légère chaleur se diffuse alors dans mon dos entre les omoplates. Et je me souviens de quelque chose… De quoi ? Sur le chemin, on oublie justement pourquoi on chemine. La réponse est là-bas au bout en mettant un pied devant l’autre en tension vers un tout petit point lumineux. J’ai demandé à être enterrée debout.

L’ETRANGE BANALITE

On reconnaît le promeneur à son port de tête, à une certaine façon détachée d’aller toujours tout droit avec conviction. Mais comme je dis souvent : il faut « suivre » nos pas, aller avec une détermination épique là où ils nous entrainent. Le promeneur marche en humant l’air, les narines palpitantes et les yeux mi-clos. Il ressent avant de voir.
Savoir vraiment suivre ses pas, savoir où nous nous trouvons quand nous nous y trouvons : voilà sans doute le grand luxe, le plus complexe de la vie. Cela suppose que nous ayons toujours cette sensation d’être quelque part et de vivre quelque chose : ce qui n’est n’est pas toujours si évident. Car la vie « ordinaire », la vie de tous les jours, pour chacun de nous, pourrait parfois avoir l’air d’un « pas grand chose », voire d’un RIEN. Or, au lieu de nous immobiliser, ce rien nous fait quand même avancer. N’est-ce pas paradoxalement extra-ordinaire ? La banalité est peut-être ce qu’il y a de plus mystérieux et de plus étrange. Dans la promenade, l’homme n’est pas perdu. Il est gagné ! Gagné d’avance par l’issue de son voyage ! La promenade est une épopée dans l’étrange banalité. C’est ainsi que l’on savoure tout, sans hâte, mais avec l’enthousiasme clairvoyant, concentré et curieux, de celui qui sait qu’il n’a de choix que celui du plaisir, envers et contre tout.

UN QUELQUE PART QUI N’EST PEUT-ETRE NULLE PART

Dans « Là-haut sur la montagne » Ernest doit monter « là-haut », tout au bout de la rue de Ménilmontant. Mais il s’en retourne juste avant d’atteindre son but. Dans « porte de Montempoivre » le dernier personnage, Gérard, arrivera enfin jusqu’à cette porte où il ne se passe rien, terminus du bus 29. Dans « Etat de siège » Muriel et Valmer prennent place dans un bateau, puis dans un autre, puis dans un autre… « Bon on retourne ? » demande Valmer. « On retourne où », lui répond Muriel. « Ben, d’où on vient… ». « Je croyais qu’on était partis », lui rétorque Muriel. Quant à Claude, dans « Au feu les pompiers » elle se retrouve peu à peu de l’autre côté du miroir. Un jour elle est morte en vrai et j’ai fait un film qui s’appelle « la mort de Claude » dans lequel elle continue à marcher.

Allons-nous vers quelque chose ? Y’a t-il une vie après la mort ? Où cela se termine t-il ? Et cela se termine t-il ? Ne dit-on pas « le début de la fin » ? Jusqu’à quand y’a t-il donc des débuts ? Le début. La fin… J’ai tendance à penser que c’est un peu la même chose. Je ne crois pas à la chronologie. La vie est une assiette plate. Nous tournons autour.
Ce qui est sûr, c’est que « ce quelque part qui n’est peut-être nulle part » nous attire comme un aimant et que nous allons vers lui.

"Etat de siège" de Fabienne Issartel, capture d'écran 2

« Etat de siège » de Fabienne Issartel, capture d’écran 2

 

LE FILM PROMENADE / METHODE

Dans ces films, les personnages ne sont pas des acteurs. Ils jouent leur propre rôle. Cette situation (qu’on peut appeler scénario) et qu’ils n’auraient peut-être pas vécue, va bel et bien devenir, le temps du tournage, leur histoire vécue en direct, génératrice de cette émotion « à la lisière », surprise par la caméra. C’est cet effet de surprise qu’on veut saisir dans ce type de tournage.
La réussite d’une telle entreprise – donner la sensation de la réalité – implique quelques impératifs. L’équipe de tournage -trois personnes maximum- doit pouvoir se rendre transparente afin que l’interaction attendue entre le lieu et les personnages puisse se faire spontanément et sans entrave. Les personnages n’étant pas des acteurs, ils sont bons ou mauvais dès la première prise. On ne retourne jamais les scènes. Au contraire, on est au service des personnages. On essaye dans la mesure du possible de se couler dans leur rythme dans un esprit d’ouverture pertinent par rapport au but recherché. Il faut privilégier avant tout l’étincelle. Le travail de préparation est donc très important et nécessaire pour pouvoir être disponible et maîtriser l’advenue au tournage de beaux imprévus. Il porte sur deux points :

– un repérage méthodique avec les techniciens (mais un par un) à chacune des stations de la déambulation, puis ensuite (mais un par un) avec chacun des protagonistes de l’histoire. Chacun doit savoir très précisément ce qu’il a à faire du point de vue de la circulation. Ainsi, au moment du tournage, ces instructions intégrées permettront au personnage de restituer devant la caméra la respiration d’un vrai promeneur, d’être disponible pour proposer son interprétation personnelle.

– une mise en condition psychologique et paradoxale des personnages : leur faire accepter l’idée de jouer leur propre rôle en suivant mes demandes, tout en leur faisant comprendre que je n’attends vraiment rien d’autre d’eux qu’ils soient eux-mêmes tels que je les connais.

Quand la sensation de la vie advient, c’est un cadeau. On a pas besoin de moniteur pour s’en rendre compte. On peux même fermer les yeux. L’air vibre. Le personnage a accepté de vivre un moment de sa vie là en direct avec ses maladresses et ses balbutiements, mais dans la situation que « j’ai imaginée ». C’est un type de tournage où l’on ne pense pas au montage, à l’objet fini Film. Le tournage se suffit à lui-même. Il est de fait une aventure dans laquelle techniciens et personnages sont ensembles co-réalisateurs. Et je suis autant mes personnages qu’ils me suivent. Dieu sait où nous allons.

Fabienne Issartel, réalisatrice, 1996

Tournage_Printemps_1996_C
L’équipe au grand complet sur le tournage de « Printemps », film de Fabienne Issartel, le 1er juin 1996. A la caméra : Laurent Charpentier. Preneur de son : Renaud Colas. Assise sur la barrière : Fabienne Issartel
Tagué , , , , , , , , , , , , , ,

« Moi Jean Lacombe, marin et cinéaste » de Fabienne Issartel : 4 projections exceptionnelles organisées par la Cinémathèque de Bretagne. Le dimanche 9 décembre je serai accompagnée de Yoann Dhenin le producteur du film, aux Champs libres de Rennes, 16 h !

« Moi Jean Lacombe, marin et cinéaste » de Fabienne Issartel, 52′ a obtenu le « prix du Film Mémoires de la mer » en 2014, décerné par la Corderie Royale de Rochefort et le Centre International de la Mer.

 

Hippocampe, premier bateau imaginé par Jean Lacombe, sort de l’atelier de Sartrouville en décembre 1953

 

Un nouveau fonds « Jean Lacombe » à la Cinémathèque de Bretagne

Jean Lacombe a laissé un grand nombre de rushes en 16 mm le montrant en action à bord de ses 5 bateaux. Après la réalisation du documentaire où ses précieuses images ont été mises en scènes, l’ensemble de ce matériel a été confié par sa famille à la Cinémathèque de Bretagne. Heureuse initiative ! Toutes ces bobines viennent d’être nettoyées et passées au télécinéma HD. Elles sont maintenant magnifiques, plus belles encore que dans notre film et disponibles pour toujours pour les professionnels et le public. Un trésor pour tous ceux ceux qui ont à coeur de ne pas oublier l’esprit pur qui a conduit vers l’aventure ces pionniers de la plaisance moderne. Pionnier, Jean Lacombe l’était aussi dans sa détermination rare à la fin des années 50 à s’auto-filmer pendant ses navigations, dans un milieu hostile et humide, particulièrement délicat pour la préservation du support pellicule. 
Pour inaugurer ce fonds, la Cinémathèque de Bretagne organise 4 projections exceptionnelles du documentaire « Moi Jean Lacombe marin et cinéaste ».

Retrouvez toutes les dates et les lieux ci-dessous.

 

Jean Lacombe lors de son tout premier voyage de 1955 vers New-York, capture d’écran du film « Moi Jean lacombe marin et cinéaste » de Fabienne Issartel

 

« Ce documentaire consacré au marin Jean Lacombe mêle témoignages et images d’archives pour dépeindre le destin singulier de cet homme qui a voulu traverser un beau jour de 1955 l’Atlantique, tout seul à bord d’un voilier de 5,50 mètres qu’il avait conçu lui-même à Paris, sans connaissances particulières de l’architecture navale.

En révélant les images que Jean Lacombe réalisa lui-même sur bandes 16 mm durant ses nombreux périples à travers l’Atlantique nord, la réalisatrice Fabienne Issartel offre une formidable plongée dans l’univers de celui que l’on surnommait le « navigateur ingénu ».

LAURENT CHARPENTIER QUI A ACCOMPAGNE LE FILM A BREST LE 13 DECEMBRE PARLE DE JEAN LACOMBE avec une animatrice de OUFIPO, une Web radio locale de Brest.
C’est ICI VIA CE LIEN :

Jean Lacombe : La découverte d’un trésor

 

Eric Vibart et Laurent Charpentier visionnent les rushs de Jean Lacombe. Ici une expérience de survie sur un canot pneumatique sans eau ni vivres en 1957. Capture d’écran de « Moi Jean Lacombe, marin et cinéaste »

 

 

Les dates des 4 PROJECTIONS de novembre et décembre 2018, événements organisés par la Cinémathèque de Bretagne :

A VENIR / ET dernière projection !

Aux Champs Libres, 10, cours des Alliés, salle de conférences, Rennes. Gratuit. Contact : 02 23 40 66 00, http://www.musee-bretagne.fr/Rennes à 16 h

Rennes le 9 décembre 16 h :  présence de la réalisatrice et du producteur du film Yoann Dhenin

https://www.unidivers.fr/rennes/docs-en-stock-au-musee-moi-jean-lacombe-marin-et-cineaste/

Toutes les projections sont suivies d’une rencontre avec le public.

EN SUPPLEMENT DU FILM UN BONUS EN PREMIERES MONDIALES / Des rushs inédits conservés maintenant par la Cinémathèque de Bretagne sont proposés pour les séances de St Brieuc et de Rennes. 

Ce sera « Coup de vent à Nantucket », un petit film de 15 mns muet monté par l’auteur Jean Lacombe, qui s’auto-filme pendant une navigation solitaire épique et  expérimentale sur un canot pneumatique. Un commentaire qui avait été écrit à l’époque par Jean Lacombe lui-même pour accompagner les images, vient d’être retranscrit, et sera restitué simultanément et en live par la voix de Jean-François Delsaut de la Cinémathèque de Bretagne.

« Coup de vent à Nantucket »

En octobre 1957, près d’un an après son arrivée dans la marina de Sheepshead Bay, à Brooklyn, Jean Lacombe décide de tenter une traversée de l’Atlantique Nord sur un canot pneumatique sans vivres ni eau. Il s’inspire ainsi de la traversée d’Alain Bombard réalisée cinq ans plus tôt en 1952 sur « l’Hérétique », un canot pneumatique doté d’une voile d’Optimist. Comme lui, Lacombe veut tenter une expérience de survie avec l’ambition de servir la science et d’aider les naufragés. Il embarque avec lui un microscope et une caméra…

 

Jean Lacombe installe un microscope en 1957 sur son canot pneumatique pour prendre le large en solitaire, capture d'écran, tous droits réservés Cinémathèque de Bretagne

Jean Lacombe installe un microscope en 1957 sur son canot pneumatique pour prendre le large en solitaire, capture d’écran, tous droits réservés Cinémathèque de Bretagne

 

Un hommage :

Ces deux dernières projections, celle de Saint-Brieuc et celle de Rennes à venir, sont dédiées à Patrick Schnepp qui vient de nous quitter le 20 novembre après une longue maladie. Patrick avait participé au tournage de ce film. Quelques liens en fin d’article vous permettront de découvrir ce personnage qui a toujours défendu au sein du Musée Maritime de La Rochelle qu’il a créé, un certain esprit pur des pionniers de la plaisance moderne… Bon vent Patrick !

ONT  DEJA EU LIEU LES PROJECTIONS DE :

Brest le 13 novembre 20 h : présence de Laurent Charpentier, marin et journaliste
https://www.brestculture.fr/moi-jean-lacombe-marin-cineaste.html

flyerLacombe pour la projection à Brest de « Moi Jean Lacombe marin et cinéaste »

Nantes le 15 novembre 18 h :  présence de la réalisatrice
http://www.moisdudoc.com/spip.php?rubrique90&IDSeance=291

https://abp.bzh/moi-jean-lacombe-marin-et-cineaste-film-presente-a-nantes-le-13-novembre-46124

https://archives.loire-atlantique.fr/jcms/decouvrir/rendez-vous-aux-archives/moi-jean-lacombe-marin-et-cineaste-fr-p1_13746?portal=c_5110&category=c_5140

Saint-Brieuc le 25 novembre 14 h 30 :  présence de la réalisatrice, au Cinéma Club 6, 40, boulevard Clemenceau, au centre de Saint-Brieuc.

Quelques annonces :

https://www.cridelormeau.com/manifestation-moi-jean-lacombe-marin-et-cineaste-92238.html

http://www.club6.fr/evenements

https://www.fest.fr/projection-du-film-moi-jean-lacombe-marin-et-cineaste-542343.html#1wAemgdIi28JWsMO.99
https://www.cinematheque-bretagne.fr/Programmation-Projection-_Moi-Jean-Lacombe_-marin-et-cinéaste_-392-1129-0-0.html

 

Parmi les documents laissés par Jean Lacombe, ses photos des stars françaises de passage à New-York à l’époque

JEAN LACOMBE SAVAIT TOUT FAIRE !

Esprit farouchement indépendant et individualiste, dans la lignée d’Alain Gerbault, de Jacques-Yves Le Toumelin ou de Moitessier, Jean Lacombe s’éloigne du monde de la compétition au large, destiné à être de plus en plus dominé par la course à l’armement, à la technologie et au sponsoring. Il se fixe à New York et y subsiste avec des hauts et des bas, s’adonnant à de nombreux petits boulots. Jean sait tout faire. C’est un artisan génial et curieux. Avant d’inventer des bateaux, il concevait des sacs à main pour une clientèle de luxe. Il saura naviguer seul sur la grande mer bleue déchaînée. Il a su aussi écrire ses aventures et les filmer. Jean trouve toujours une idée pour se sortir de l’ornière et donner des horizons à sa liberté. Il monte même une baraque à frites sur une marina du Bronx pour financer la construction de Yang son dernier bateau. Entre autre, il est aussi photographe nous donnant ces extraordinaires clichés d’artistes de passage à New-York qui deviendront nos grandes stars françaises…

 

Jean Lacombe se filme avec humour pendant la seconde OSTAR de1964, lisant la revue Bateaux couché dans son “ Golif ” de 6,50 m. 1 000 exemplaires du Golif, un des premiers croiseurs de série en polyester seront construits dans les cinq ans qui suivirent la course, remportée par Eric Tabarly sur Pen Duick II.

Jean Lacombe se filme avec humour pendant la seconde OSTAR de 1964, lisant la revue Bateaux couché dans son “ Golif ” de 6,50 m. 1 000 exemplaires du Golif, un des premiers croiseurs de série en polyester seront construits dans les cinq ans qui suivirent la course. Course remportée par Eric Tabarly sur Pen Duick II !

 

Jean Lacombe, le Kerouac de l’Atlantique

Voilà le seul film consacré à Jean Lacombe, célèbre pour avoir couru la première transat anglaise de 1960, puis à bord d’un Golif, celle de 1964 qui lui valut aux côtés de Tabarly les félicitations du Général De Gaulle. Le documentaire dévoile l’intimité de ce navigateur autodidacte, opiniâtre et révolté, exilé à New York pour vivre dans la marge et la liberté. Avec une caméra 16 mm, Jean Lacombe a filmé ses multiples traversées de l’Atlantique Nord, toujours à bord de petits voiliers. Après sa mort en Martinique en 1995, la famille de Jean Lacombe confie ce trésor de bobines de film à Eric Vibart et Laurent Charpentier, alors journalistes à Voiles et Voiliers. La réalisatrice Fabienne Issartel viendra plusieurs années après, terminer avec eux ce travail de résurrection de « Jeannot », personnage hors-normes qui nous donnera à chacun la force de suivre son destin.

Aventurier plus que marin de compétition, Jean Lacombe fit de l’Atlantique nord, tempétueux et froid, de façon obsessionnelle, son domaine d’élection. Marginal, enthousiaste, il accepta délibérément une vie précaire à New York où il s’était établi dès les années cinquante pour assouvir dès qu’il le pouvait sa passion dévorante de navigations sur des bateaux qu’il voulait absolument de taille modeste (de 5, 48 m à 7, 42 m). A l’aube de la plaisance moderne, il a traversé l’Atlantique sur le premier voilier en polyester. Issu d’un milieu populaire, artisan maroquinier à Paris, Jean Lacombe, sextant en main acheté aux puces, sera un “clochard céleste” à la manière d’un Slocum. Sans aucune expérience maritime, il construira lui-même son premier bateau, refusa toujours tout sponsoring qu’il considérait comme une compromission. Franc-tireur, attaché par-dessus tout à son libre arbitre, il assuma jusqu’au bout les conséquences de ses choix. Son seul viatique était sa foi, la certitude que l’aventure lui ouvrirait les portes d’une vie libre initiatique.

 

Jean Lacombe avec sa caméra sur Yang son dernier bateau

Jean Lacombe avec sa caméra sur Yang son dernier bateau

 

Dès 1960, il emporte avec lui une caméra 16 millimètres mécanique et des boîtes de pellicule inversible. Auto-filmeur avant l’heure, son habileté d’opérateur alliée à ses qualités de photographe – profession qu’il exerça aussi à New York – permettent de bénéficier d’une matière visuelle d’une étonnante richesse. Hormis un montage personnel jamais diffusé de 662 mètres (environ une heure), le marin cameraman a laissé de très nombreux rushes(extraits de reportages, moments d’intimité en mer ou à terre). Numérisées pour ce film, ces images n’avaient encore jamais été vues. En suivant ce chemin solitaire, sa vie devint une quête qu’il évoque dans des manuscrits dont beaucoup sont restés inédits.
Dans « A moi l’Atlantique », seul livre publié chez Laffont en 1957, il raconte l’épopée de sa toute première traversée en 55, sur « Hippocampe », bateau qu’il avait imaginé, dessiné et fait construire à Sartrouville près de Paris. Il relate ses Transatlantiques dans les revues maritimes de l’époque, dont celle de 1960 sur un «Cap Horn ». Il esquisse aussi le début d’une curieuse autobiographie militante qu’il appelle « moi, un blanc marron ! ». Fantasque, râleur, toujours en mouvement, acharné à perfectionner un idéal réclamant volonté et courage, Jean Lacombe a tracé un sillage unique dans l’histoire de la voile hauturière.

Nous avons besoin de croiser des vies d’hommes libres comme celle de Jean Lacombe, assumée jusqu’à la perfection, pour avoir l’énergie de réaliser nos propres rêves. Je me devais d’achever le travail du marin cinéaste Jean Lacombe dans le respect de l’esprit qu’il avait voulu lui insuffler. Ce fut une expérience très intense où j’ai eu l’impression de co-réaliser le film avec lui.

Fabienne Issartel, réalisatrice

 

L’article de François-Xavier Ricardou dans le magazine « Bateaux »

https://www.bateaux.com/article/27288/moi-jean-lacombe-marin-cineaste

 

Quelques minutes du film:

https://www.dailymotion.com/video/x17p6ip

 

L’aventure de Jean Lacombe continue

En 2014, Eric Vibart et Laurent Charpentier retrouvent Hippocampe, le premier bateau de Jean Lacombe dont on n’avait plus aucune nouvelle et qu’on croyait perdu pour toujours dans un coin perdu de Caroline du Nord. Après avoir été vendu aux Etats-Unis, le bateau était passé de main en main. Acheté pour 500 dollars le voilier appartient aujourd’hui à Roy Mascari, 70 ans.  Ce retraité qui complète ses maigres revenus en déchargeant de nuit des camions chez Federal Express, a entrepris une restauration totale du bateau. Il a mis a nu la coque qu’un ancien propriétaire avait recouvert de polyester. Aussi volontaire et débrouillard que Jean Lacombe, Roy a entrepris de refaire bordés et aménagements intérieurs à l’identique. 

L’article d’Eric Vibart ici en PDF :

527_HIPPOCAMPE_mont*

Eric Vibart sur Hippocampe qu'il a retrouvé miraculeusement en Caroline du Nord en 2014. Photo Laurent Charpentier.

Eric Vibart sur Hippocampe qu’il a retrouvé miraculeusement en Caroline du Nord en 2014. Photo Laurent Charpentier

 

La Martinique…

« En 1987, vieillissant, oublié et de santé précaire, Jean Lacombe choisit d’aller vivre à la Martinique. Il s’y rend à bord de Yang à bord duquel il déménage toutes ses affaires en deux voyages mouvementés. Vivant un moment à son bord dans la baie de Fort-de-France, il finit par s’installer à terre sans abandonner pour autant ses projets de navigation. Il élit domicile dans un studio en sous-sol où il vit parmi ses boîtes de films, de vieux journaux relatant ses exploits passés, décorant ses murs de maximes glanées dans ses lectures où il est question de la destinée humaine. C’est dans ce contexte qu’il débute la rédaction d’un texte autobiographique, « Moi, un blanc marron », texte inédit resté inachevé. Connu pour son caractère abrupt et ses sautes d’humeur, économisant sou à sou avec le rêve inaccessible d’acheter un nouveau bateau pour participer à une nouvelle course transatlantique, il est atteint d’un cancer et finalement emmené à l’hôpital où il décède le 1er novembre 1995 à l’âge de 76 ans. »

Extrait d’une biographie de Jean Lacombe par Eric Vibart

 

Les boites rouillées contenant les rushs de Jean Lacombe retrouvées par sa famille après son décès en Martinique

Les boites rouillées contenant les rushs de Jean Lacombe retrouvées par sa famille après son décès en Martinique et confiées à Eric Vibart et Laurent Charpentier

 

Et voilà encore les autres articles faisant écho au film précédemment posté sur mon site. ICI : https://fabienneissartel.wordpress.com/?s=jean+lacombe

Ci-dessous une petite vitrine installée à l’entrée de salle de projection le 13 novembre à Brest. On y voit la caméra Pathé Webo utilisée dés 57 par Jean Lacombe sur son canot pneumatique, puis en 1960 sur le Cap Horn, bateau avec lequel il participe à la première OSTAR. En 1982, après sa séparation avec sa compagne Toni Austin, Jean arrête tout à coup de filmer…

La vitrine installée à Brest à l’entrée de la salle de projection de « Les Studios » pour la séance autour de « Jean Lacombe marin et cinéaste », le 13 novembre 2018, photo Laurent Charpentier

 

L’AMI PATRICK SCHNEPP A LARGUE LES AMARRES…

Patrick Schnepp, inventeur et animateur infatigable du Musée Maritime de La Rochelle était un personnage malicieux, intelligent et cultivé, frondeur et généreux,  qui a dédié sa vie à valoriser le patrimoine maritime avec une exigence et une délicatesse sans compromis : avec amour aussi et une pureté que Patrick partageait avec les navigateurs si particuliers auxquels il a voulu donner une visibilité dans son Musée Maritime de la Rochelle. Son devoir de mémoire avait la couleur de la poésie, celle d’un homme qui défendait l’existence de destins d’hommes libres, sur les mers comme dans nos cités. Notre monde a besoin de nouveaux Patrick Schnepp aujourd’hui avec une vision. 

Comment oublier aussi quelques unes des très joyeuses fêtes auxquelles j’ai pu assister dans les années 90 à bord du France 1, soirées fantasques interminables dont Patrick était à la fois l’initiateur et l’hôte enjoué et accueillant ? Bon vent Patrick, à toi « le chevalier des causes éperdues » !

Patrick Schnepp avait bien voulu évoquer la démarche de Jean Lacombe dans mon film. Je lui dédie bien modestement mes deux dernières projections de Saint-Brieuc et de Rennes.

"Jean Lacombe a voulu faire quelque chose de sa vie", dit Patrick Schnepp dans mon documentaire "moi Jean Lacombe marin et cinéaste", capture d'écran

« Jean Lacombe a tout simplement voulu faire quelque chose de sa vie« , déclarait Patrick Schnepp dans mon documentaire « moi Jean Lacombe marin et cinéaste », capture d’écran

 

LE LIEN vers L’HOMMAGE rendu à Patrick Schnepp à La Rochelle sur l’eau ci-dessous

Deux liens pour découvrir Patrick Schnepp :

https://france3-regions.francetvinfo.fr/nouvelle-aquitaine/charente-maritime/la-rochelle/patrick-shnepp-fondateur-du-musee-maritime-rochelle-est-decede-1578595.html

https://www.chasse-maree.com/patrick-schnepp-chevalier-des-causes-eperdues/

Tagué , , , , , , , , , , , , ,